Islands
What Occurs
- ELF
- 2024
- 42 minutes
Mine de rien, Nick Thorburn a été très productif depuis qu’il a ressuscité son projet Islands en 2021 après cinq ans d’absence. Paru moins d’un an après le précédent And That’s Why Dolphins Lost Their Legs, What Occurs est le troisième album du groupe en quatre ans et un dixième en carrière. Sans rien réinventer, Thorburn et ses acolytes continuent d’offrir une pop indé plaisante, efficace et sans prétention.
Même si la formation est aujourd’hui basée en Californie, Islands a été aux premières loges de l’émergence de la scène indie montréalaise dans les années 2000, aux côtés d’Arcade Fire, The Dears, Wolf Parade, Plants and Animals, Malajube, Karkwa et compagnie. Pour Thorburn, l’aventure a commencé au sein du trio The Unicorns, qui a fait paraître en 2003 le génial Who Will Cut Our Hair When We’re Gone?, qui reste encore aujourd’hui un des principaux disques cultes de ces années-là.
Après la fin tumultueuse des Unicorns provoquée par des tensions entre les membres, Thorburn a formé Islands en 2005. Le premier album du groupe, Return to the Sea, est un petit bijou de pop de chambre, marqué par des contributions de Sarah Neufeld (Arcade Fire), Spencer Krug (Wolf Parade) et Rebecca Foon (Esmerine), entre autres. La troupe a connu de multiples changements de personnel au fil des ans, solidifiant la position de Thorburn en tant que seul maître à bord de l’embarcation.
Tout comme sur le très réussi Islomania (2021), la formation est ici complétée par les frères Evan et Geordie Gordon (respectivement basse et guitare) avec Adam Halferty à la batterie. What Occurs se situe d’ailleurs dans la même lignée, avec une indie pop ensoleillée et souvent dansante (excellente Tangerine, avec son côté rétro des années 60). Il y a aussi du Islands plus « classique », comme sur le premier extrait Drown a Fish, qui aurait presque pu apparaître sur l’album Arm’s Way (2008).
Globalement, What Occurs est un disque axé sur la simplicité. On sent d’ailleurs que le groupe a voulu favoriser une économie de moyens, à l’inverse de la production un peu clinquante du précédent And That’s Why Dolphins Lost Their Legs et son abus de machines à rythmes. L’instrumentation demeure en général assez épurée, axée sur les guitares et les claviers, et même l’écriture se veut explicitement simpliste. La pièce-titre ouvre d’ailleurs l’album avec un motif de trois notes au piano qui évoque un peu le type de mélodies qu’on tente d’apprendre aux enfants. L’effet est très réussi, et met délicatement la table pour le ton et l’atmosphère du reste du disque.
Le rock d’Islands a toujours été référentiel. Dans le passé, le groupe ne s’est pas gêné pour évoquer ses influences, jusqu’à reprendre tout un passage d’une pièce des Who sur In the Rushes (sur l’album Arm’s Way), sans oublier cette histoire embarrassante de plagiat « accidentel » d’une chanson de Julie Byrne sur Islomania en 2021. Il y a un peu de ça sur What Occurs, avec entre autres la ballade folk On the Internet qui repique le style de Johnny Cash ou la délicate Sally Doesn’t Work Here Anymore qui renvoie à la dream pop de Beach House, mais rien de trop flagrant.
Sans être un grand disque (il y a des longueurs en deuxième moitié et quelques titres qui manquent de punch), What Occurs s’inscrit parmi les albums les plus cohésifs de la formation canadienne. Même les chansons banales en apparence font sourire, en partie grâce à l’humour et l’autodérision de Thorburn, notamment sur David Geffen’s Jackson Pollock, une histoire surréaliste sur le vol d’œuvres d’art.
Islands a eu du mal par le passé à se mesurer à son propre héritage, comme sur le très beige Ski Mask (2013) ou l’ennuyant diptyque Should I Remain Here, at Sea?/Taste (2016). En optant pour une approche plus directe, le groupe démontre avec ce nouvel album qu’il est encore capable d’offrir une pop inspirée, axée sur les mélodies et qui s’écoutera très bien sur votre patio par une chaude journée d’été.