Francos de Montréal 2023 : Gros Mené et blesse
Si le lancement de la saison des festivals a démarré officiellement en mai dernier, on peut affirmer que c’est avec l’avènement des Francos de Montréal qu’elle se concrétise.
Photos par Coline Beulin
Et quoi de mieux pour amorcer ce cycle de concerts festivaliers que de renouer avec la formation culte Gros Mené; groupe porté par l’indéniable talent de ces futures légendes du rock québécois que sont Fred Fortin et Olivier Langevin. J’en ai également profité pour aller voir et entendre ce que la jeune formation indie rock / hyperpop / post-punk blesse avait à offrir en format « live ».
Gros Mené
Il y a un peu moins d’un an, dans le cadre du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue (FME), j’ai assisté à une leçon de rock; celle que Gros Mené avait présentée au public présent au Cabaret de la Dernière Chance. Lors de cette prestation béton, Fortin, et son frère de son Olivier Langevin, s’étaient adjoint les services de deux accompagnateurs hautement compétents : Robbie Kuster (batterie) et Tonio Morin-Vargas (synthés, percussions).
Après une introduction enregistrée que l’on pourrait qualifier de « jungle psychédélique », le quatuor s’est amené sur scène souriant et prêt à dessuinter les oreilles d’un public étonnamment nombreux. Dès le départ, et jusqu’à la mi-parcours du concert, des variations sonores ont sensiblement plombé mon appréciation du spectacle. La voix de Fortin, la caisse claire de Kuster et la cloche à vache de Morin-Vargas étaient par moments trop fortes. Combinés au volume trop faible de la guitare de Langevin, on peinait à entendre les subtilités dans le jeu de chacun des instrumentistes. Toutefois, immédiatement après la superbe introduction improvisée menant à Bonsaï, pièce tirée de l’excellent Pax et Bonum paru l’année dernière, ce brouillard sonore s’est éclairci.
On a particulièrement apprécié le solo de guitare de Langevin dans L’Amour dans l’ROCK, pièce parue sur le deuxième album de la formation, Agnus Dei (2012). Le groupe nous a également offert une relecture réussie de Ski-Doo, monument chansonnier paru sur ce grand classique du rock québécois qu’est Tue ce drum Pierre Bouchard (1999). Et que dire de la version de Dabidou, l’un des titres-phares de Pax et Bonum ? Dans ce morceau, on a pu voir et entendre l’immense talent qui habite ces quatre instrumentistes. De voir entre autres Fortin et Langevin échanger des sourires complices à la toute fin de la chanson recelait un je-ne-sais-quoi d’émouvant.
Et il faisait bon de voir Fred Fortin si heureux de rencontrer son public. Affable, le vétéran a même déclaré en fin de concert que « les dinosaures ne sont pas morts ». En effet, les nombreux rockeurs présents sur place ont pu le constater.
Même si je préfère la musique de Gros Mené dans un petit débit de boisson, sur une grande scène, et malgré les quelques écueils sonores, les vétérans du rock québécois ont franchement livré la marchandise.
blesse
Né des cendres de la formation Zen Bamboo, le trio formé de Léo Leblanc, Charles-Antoine Olivier et Xavier Touikan nous a présenté une première offrande fort appréciable au printemps dernier : normal. Ce groupe détonnant mélange habilement la pop synthétique et l’indie-rock tout en nappant certains segments de ses morceaux dans un son lo-fi. Les pièces de ce premier opus de la formation sont complexes, singulières et captivantes à la fois.
Pour cette prestation, le trio s’est transformé en quatuor afin d’élargir son amplitude sonore. Sur scène, ce sont les ascendants de l’importante formation québécoise Malajube qui se révèlent, accentuant ainsi le penchant rock de blesse. Or, le groupe a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre les standards sonores établis sur son album; long format tout chaud paru en mars dernier.
Dans amour aride, par exemple, les voix étaient inharmonieuses. L’interprétation vocale dans perle plastique était, elle aussi, fausse, malgré une exécution assez réussie. Même avec l’apport senti de Sophia Bel dans creusercreuser, la performance offerte par blesse est demeurée instable jusqu’à la fin du concert.
Cela dit, à tout seigneur tout honneur, la formation prendra les bouchées doubles au cours des prochaines semaines, puisqu’elle sera en « résidence » au Quai des Brumes — sympathique salle de spectacle située sur la rue Saint-Denis — tous les vendredis soir cet été. Sur scène, le groupe a candidement avoué qu’il avait besoin d’aligner les concerts pour prendre réellement son envol. On ne peut que respecter l’honnêteté de blesse et sa sincère envie d’élever la qualité de ses spectacles à un niveau supérieur.
Somme toute, ce fut une bonne soirée « coulée dans l’rock », comme dirait l’autre !
Crédit photo: Coline Beulin