Critiques

Moderat

MORE D4TA

  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Le trio allemand Moderat, supergroupe formé du duo Modeselektor (Gernot Bronsert et Sebastian Szary) et de l’artiste Apparat (Sascha Ring), est rapidement devenu un incontournable de la musique électronique des années 2010. Il faut se rappeler que leur trilogie initiale savamment intitulée Moderat (2009), II (2013) et III (2016) avait généré une série de classiques comme Rusty Nails, Bad Kingdom et Running qui ont fait vibrer les pistes de danse et les salles de spectacles. À la grande déception du monde entier, ils avaient annoncé une pause d’une durée indéterminée à la fin de la tournée de leur troisième album. L’événement avait laissé un grand espace vacant au milieu des Automat, Brandt Brauer Frick et autres Digitalism de la scène électronique allemande.

Après six ans à ne pas s’attendre à quoi que ce soit, le trio est revenu en mai dernier avec un quatrième album, MORE D4TA, qui traite de la numérisation de la vie quotidienne pendant le confinement, et de la quantité d’information à traiter pour lui donner un sens. Une très belle surprise, considérant le redémarrage du projet en pleine pandémie et le défi de retrouver le fil conducteur entreposé pendant plusieurs années. Heureusement, le thème rassembleur apporte une résonance qui est plus grande que la somme de ses pièces, et fait en sorte qu’il s’écoute du début à la fin comme un album classique en dix parties.

Le trio a présenté FAST LAND, premier extrait instrumental qui ouvre l’album sur une boucle atmosphérique montée sur des oscillateurs. Ceux-ci ronronnent quatre accords à travers un jeu de densité et de poids, du filament filtré dans les hautes, à la séquence rythmique dans les basses qui ressemble à une version lente et lourde du rythme de Teardrop (Massive Attack). La vidéo n’a évidemment rien à voir avec un embryon qui chante, mais le thème est tout aussi captivant avec sa succession de scènes d’humains qui semblent se battre contre leur déshumanisation / numérisation.

Le deuxième extrait EASY PREY a suivi comme sur l’album avec le retour de Sascha Ring à la voix, bien placée au-dessus d’un duo orgue et séquence bondissante. La boucle mélodique monte d’un cran à l’arrivée de l’effet de voix qui se dédoublent, complété par un motif percussif passé dans un vocodeur. La vidéo est tout aussi réussie avec sa mise en scène d’un gardien de sécurité qui aurait voulu être un danseur, et qui se défoule pendant sa tournée des serveurs, jusqu’à ce que hell breaks loose.

DRUM GLOW aurait très bien pu servir de troisième extrait, sur laquelle la magie opère totalement avec les percussions tribales qui résonnent quelque part dans une forêt, et les cris de la faune qui réveillent le cœur animal. Le thème est complété par la voix trafiquée de Ring, ponctuée par une séquence vocodée et quelques notes de guitare extraites d’une mélodie baléare. Un moment fort de l’album.

MORE D4TA se poursuit à travers sept autres pièces qui retrouvent et consolident l’identité sonore du trio, à savoir de la house et techno découpée et montée intuitivement de manière à créer des phrasés faits de rythmes et de mélodies. Moderat a pris le temps de regarder en arrière pour ne pas oublier ce qu’il fait de mieux, et nous accroche à nouveau avec une direction artistique peaufinée et approfondie, qui va bien au-delà de la séquence de quatre accords qui tournent en boucle.

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