Concerts

Distorsion Psych Fest 2022 ― Jour 1 ― Petra Glynt, Crasher, Grim Streaker et Holy Fuck

L’agence montréalaise Mothland a le vent dans les voiles depuis plusieurs années déjà, avec un succès qui dépasse largement les limites de la ville. Leurs évènements Distorsion Psych Fest ont commencé vers 2015, et après l’interruption de 2020 et quelques soirées ici et là, le festival présentait ce week-end une nouvelle formule en plein air dans la structure métallique de l’espace Entrepôt 77 récemment établi dans un racoin légendaire du Mile-End, celui près du skate park, du chemin de fer et du marché des possibles. 

Dans les jours précédents, mon appli de météo me disait que les soirées seraient chaudes tout le week-end, avec du temps peut-être un peu arrosé dimanche (la programmation du festival me disait pas mal la même chose, d’ailleurs). Les promoteurs n’auraient pas pu souhaiter mieux pour cette première soirée.

Petra Glynt

Ça commence dès 18 h avec Petra Glynt, artiste solo basée à Montréal qui prend la scène seule avec un sampler et un micro. Sa voix est souple et forte, ses beats sont particuliers sans essayer trop fort d’être bizarres, et elle fait un effort louable pour connecter avec la foule, qui est encore un peu petite. À l’instar d’une bonne partie du public et des promoteurs de l’évènement eux-mêmes, Petra Glynt donne l’impression d’être une weirdo assumée qui essaie simplement de créer quelque chose de beau. Je parie que son set serait encore meilleur avec un ou deux collaborateurs, mais son art-punk soliloque est tout de même très réussi.

Crasher

Les suivants sur scène, Crasher, ne font que renforcer ce que je ressentais pour Glynt. Ce projet est mené par Airick Asher Woodhead, alias Ash Wood, alias Doldrums, accompagné ici par une section rythmique aussi solide qu’incongrue. Le batteur et le bassiste ont une sonorité unique et ils arrivent à suivre sans flancher les séquences et mélodies programmées par Wood. La voix de ce dernier est d’une beauté classique, à classer près de celles de Brian Molko ou Matt Bellamy, mais couchée sur une version distordue du synth-pop des années 1980. À noter aussi : le groupe livre des versions allongées et dynamisées de pièces qui se trouvaient sur son unique album, lancé l’an dernier. Encore ici, j’entends de beaux inclassables, et ça me colle un gros sourire dans la face. 

Grim Streaker

Ensuite, c’est au tour d’un des groupes de Mothland, Grim Streaker, et le feel change pas mal. Au lieu de beaux weirdos, la formation cosmopolite basée à Brooklyn donne l’impression d’avoir des idées beaucoup plus convenues et au goût du jour, maquillées pour sembler plus bizarres qu’elles ne le sont vraiment. L’attitude du groupe sur scène est légèrement affectée, et ça risquerait de gâcher le plaisir si ce n’était de la présence scénique de la chanteuse Amelia Bushell. Ses moues, ses expressions et ses changements soudains de dynamique la placent quelque part entre Mark E. Smith et Alanis Morissette, curieux mélange s’il en est un, mais je dois admettre que ça lui va bien. Plus le set avance, moins le groupe s’en tient au dance-punk, un peu éculé, et il finit par montrer une palette post-punk plus qu’acceptable.

Holy Fuck

Enfin, Holy Fuck arrive, et il devient assez clair que c’est le groupe que le public venait vraiment voir. Et on les comprend : rares sont les groupes qui ont fait une musique de party aussi bizarre avec autant de constance depuis maintenant plus de 15 ans. La formation est un peu rouillée, parce que la pandémie, bien sûr, et trébuche un peu en début de set. Graham Walsh admet même au micro : « This is what happens when you don’t practice. » Holy Fuck est par sa nature et par ses méthodes un groupe risqué. Pas de séquenceurs ni de programmation ici, sa musique d’apparence électronique est faite de bruits joués live. Après une vingtaine de minutes, les hésitations disparaissent et la prestation prend de l’assurance. La soirée se termine avec un grand groupe qui a repris ses moyens et qui brille de tous ses feux. C’est pas une belle métaphore de sortie de pandémie, ça?

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