Critiques

Sóley

Mother Melancholia

  • Indépendant
  • 2021
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Avec Mother Melancholia, Sóley signe un cinquième album solo et sixième album en carrière d’une noirceur profonde. L’artiste islandaise indique s’être inspirée du «suicide collectif de l’humanité et de la destruction de la vie entraînée par le capitalisme et la masculinité toxique» sur son Bandcamp. Avec une telle approche, inutile de dire que la joie n’est pas le sentiment dominant émanant de l’album. La féérie qu’on trouvait en 2015 sur Ask the Deep a été remplacée par la sorcellerie. La pop éthérée d’Endless Summer de 2017 s’est mutée en une orchestration plus touffue, mais ô combien plus inquiétante.

La pianiste classique de formation a ajouté à son attirail de claviers et glockenspiel un thérémine, un mellotron, un moog et un violoncelle. Elle travaille les boucles, les sons parasites (bien présent entre autres sur la pièce Parasite), l’effritement de la voix. Sur sa page Facebook, elle précise que l’aspect «expérimental» de cet opus est voulu. On peut dire qu’il est réussi, juste assez dosé. Elle décrit son style comme une «pop funèbre», une étiquette qu’on peut tout aussi bien accoler à Timber Timbre ou David Lynch.

Sur Mother Melancholia, l’angoisse s’infiltre dans la voix enfantine de Sóley Stefánsdóttir, enfance qui tranche avec la mère du titre. À 35 ans, elle-même maman, Sóley s’inquiète pour l’avenir de sa fille, mais aussi celui de la mère Nature. L’artiste avoue avoir créé cet album comme un film, et clairement, il aurait été en noir en blanc. Toutefois, elle le fait avec beauté, originalité et mélodie.

L’album s’ouvre avec Sunrise Skulls, dont l’ambiance rappelle la série Dark par les «ouh ouh» évoquant ceux d’Agnes Obel dans un des thèmes récurrents (la pièce Broken Sleep). Déjà, les thèmes de maternité, de fin du monde et de violences sexuelles émergent :

Giving birth to everything
It’s easy to eliminate
Brighter than any brain
Create a pretty landscape
Wait for us to fail

– Sunrise Skulls

Dans Circles, des boucles sonores spectrales évoquent le chant des fantômes qui se lamentent. Puis, à la fin, on entend un battement de cœur comme à travers une échographie. Suit Blows Up au rythme lent, avec des pulsations qui s’espacent, comme des pas sur le plancher d’une maison qui craque. Le mélodica manque de souffle, la voix s’effrite, on est au paroxysme de l’angoisse.  

L’album prend un tournant lorsqu’on arrive à mi-chemin, avec Desert, la pièce la plus pop et légère. À partir de là, on retrouve le talent de mélodiste de Sóley. Dans Sundown, l’envolée de violoncelle sublime un crépuscule de l’humanité.

Away back mother
You told me to honour the earth
But every day
I dig my own grave
And as I dive in you’ll
Hold my hand
 

– Sundown

Finalement, soulignons la pochette, elle aussi inquiétante, mais sublime, signée Íbbagoggur et Sunna Ben. 

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