Squarepusher
Be Up A Hello
- Warp Records
- 2020
- 48 minutes
Thomas Jenkinson, aussi connu sous le nom de Squarepusher, a fait sa marque dans les années 90 en participant à la popularité du courant IDM (ou musique électronique de chambre) avec ses contemporains de l’époque : Aphex Twin, Autechre et Boards of Canada et, par extension, l’étiquette Warp. Jenkinson s’est inspiré du breakbeat, du drum & bass, de l’acid techno et du jungle pour développer une sonorité singulière qui l’a placé au centre du nouveau courant musical. Prolifique, le compositeur a publié treize albums depuis ses débuts en 1996, est devenu un des artistes « maison » de l’étiquette britannique, et est revenu en janvier dernier avec Be Up A Hello, quatorzième album qui fait suite à Damogen Furies (2015). Squarepusher fait un retour à son excellente recette de base, qui est peut-être moins surprenante que dans le bon vieux temps, mais qui est tellement bien maîtrisé qu’on prend plaisir à découvrir une sonorité vintage réinterprétée au choix de l’artiste.
Oberlove ouvre sur une base breakbeat par-dessus laquelle se développe une jolie mélodie presque adulte contemporaine aux synthétiseurs. Le contraste entre la frénésie de la partie rythmique et la grâce de la ligne mélodique crée un déséquilibre amusant. Hitsonu continue dans la même direction, mais cette fois-ci avec une palette sonore plus près du jeu vidéo 8-bit, délaissant les longues notes pour un motif plus serré et sautillant. Étonnement, le tout ralentit vers la fin, laissant la mélodie prendre les devants pour conclure de façon dramatique, comme une sorte de game over. Nervelevers continue dans la trame sonore de jeu vidéo, renouvelant une boucle synthétique en forme de drum & bass entraînant. Le phrasé entretient l’enthousiasme en variant sur les textures sonores et séquences arpégées, passant même par un segment hip-hop plus dense.
Speedcrank enchaîne plusieurs boucles rythmiques en une séquence qui nous fait tomber dans le drill & bass, décoré d’un synthétiseur légèrement dissonant. Jenkinson nous ramène vingt ans en arrière avec sa teinte acid bien placée à l’avant. Le clavier ambiant de Detroit People Mover coupe l’élan très dynamique de la première moitié de l’album et marque une pause bien méritée après la quantité monumentale d’événements percussifs entendus. On retrouve un synth wave inspiré de Vangelis, époque Blade Runner, comme un excellent pastiche nostalgique. Vortrack repart nerveusement sur une séquence rythmique techno guidée par une basse monophonique acid saccadée. La ligne mélodique sombre et réverbérée prend place subtilement entre les percussions et la basse, donnant une impression d’étouffement emprisonné dans une cage de breakbeat.
Terminal Slam fait succéder un synth avec une boîte à rythmes dans une petite boucle bondissante qui mène à une forme acid techno. Ça se densifie par la suite, précisant sur le thème avec plus de conviction et permettant de conclure sur une note plus dramatique. Mekrev Bass ouvre de façon caverneuse, laissant la partie rythmique arriver en fondu enchaîné pour soutenir les séquences en 8-bit, qui se suivent comme un collage mélodique. 80 Ondula s’éveille au loin en réverbération, respirant comme de lentes oscillations de clavier, et concluant l’album dans une atmosphère de vide spatial.
Vingt ans séparent Be Up A Hello des albums auxquels il fait référence du point de vue créatif et il faut admettre que Jenkinson maîtrise encore complètement son identité sonore. Il la façonne pour que ce soit amusant et fascinant. Le défi est relevé, et bien que ça n’aille pas plus loin dans l’exploration esthétique, ça n’a pas besoin de le faire tellement puisque le territoire établi est solidement défendu. Les fans de la première heure souriront certainement à l’écoute des idées rafraîchies et celles et ceux qui ont manqué la vague initiale ont une opportunité de découvrir un courant esthétique important de la musique électronique.