Critiques

KMFDM

Paradise

  • KMFDM Records / Metropolis Records
  • 2019
  • 53 minutes
6

Après avoir suivi KMFDM depuis plusieurs années, on pensait savoir à quoi s’attendre. De plus, avec la pochette au design quasi publicitaire faite par leur collaborateur habituel depuis des années, on croyait avoir affaire à une certaine continuité. Or, si Hell Yeah (2017) était un voyage futuriste et contestataire, avec Paradise, on reste plutôt dans le surplace, avec certaines pièces qu’on pourrait presque qualifier de « chansons d’ascenseur ». Ce vingt et unième (tout de même!) album du groupe, sorti le 27 septembre dernier, marque l’arrivée du guitariste Andee Blacksugar. Celui-ci est, entre autres, créateur du projet électro-glam rock Black Sugar Transmission, avait également participé à la tournée de Hell Yeah.

L’extrait Paradise, lancé au début de septembre, ne laissait pourtant présager que de bonnes choses. Malheureusement, ça se gâte : on retrouve une autre version sur l’album, nettement moins concise, s’étirant inutilement jusqu’à huit minutes. Après une première moitié somme toute efficace, où on retrouve le duo de voix effarouchées crachant leurs paroles avec un flow de rappeurs et une rage adolescente, la deuxième partie semble plutôt destinée à être écoutée en arrière-plan. 

On retrouve des percussions électroniques avec une vague touche exotique dans les couplets, quelques notes de cuivres, ainsi que d’autres instruments inusités, donnant un résultat presque dub (!). On comprend l’expérimentation que KMFDM a voulu faire, mais est-ce que ça doit être poussé à ce point-là ? L’ambiance évoque plus le rebord d’une piscine dans un tout-inclus dans le Sud que le fait de se tenir debout par rapport à ses convictions et de hurler sa rage au monde. KMFDM en aurait-il assez de faire des chansons engagées ? Les insurgés voudraient-ils aller vers une sorte de «confort» ? Car sur cet album, il n’y a pas vraiment d’hymnes qui provoqueraient la rébellion des peuples… Le combat du groupe semble se fatiguer et prendre des rides. 

Par ailleurs, le nouveau venu Andee Blacksugar fait malheureusement des sparages un peu inutiles avec sa guitare. Même si elle soutient bien les chansons tout au long de l’album, elle aurait avantage à rester en retrait. Il semble qu’elle veuille trop tirer la couverture vers elle, en faisant un peu trop de shred.

Donc. C’est long avant que quelque chose ne commence. Le groupe prend un peu trop son temps, et ça rend impatient, vis-à-vis de ceux qui sont habituellement très straight to the point et sans détour.

Sur K•M•F, on entend quelque chose que le groupe a rarement fait: une collaboration avec un rappeur. On y retrouve un Andrew «Ocelot» Lindsley vraiment fluide et pertinent. Oh My Goth (quel titre cliché tout de même), avec sa vraie basse, sonne plus pop-rock et grand public qu’industrielle et révoltée. Même si elle est longue, elle nous emporte quand même sur ses vagues sombres. La voix de Lucia Cifarelli brille particulièrement sur cette chanson, apportant du « flamboyant » à l’ensemble sinon plutôt monochrome. Elle est malheureusement peu exploitée sur l’album, étant passée dans un vocodeur trop intense durant tout Automaton, par exemple. On l’entend aussi sur Piggy, mais ça ne démontre pas tout ce qu’elle sait faire. 

Justement, Piggy (autre titre qui laisse à désirer… combien de tounes dans le monde s’appellent déjà Pig ou Piggy?) est vraiment disparate; on ne comprend pas trop où le groupe s’en va. Doug Wimbish, le bassiste de Living Colour, vient rajouter quelques passes intéressantes; le guitariste, quant à lui, fait parfois trop de fioritures qui semblent nuire au son… Ont-ils voulu axer davantage sur les vrais instruments ? Le résultat est parfois questionnable. Ça manque de refrains entraînants qui donnent envie d’aller prendre les rues d’assaut, et de sons électros spéciaux qui nous envoient cent ans en avant.

Disturb the Peace ne dérange pas grand-chose, et Automaton est effectivement robotique et peu élaborée, avec ses synthétiseurs EDM plutôt traditionnels. Ces sonorités font plutôt musique de «soirée de vampires» à la limite du surfait, qu’une atmosphère industrielle où l’on se promène dans de grands quartiers faits d’acier et de structures carrées.

L’album finit avec une sonnerie de téléphone et c’est comme ça qu’on se sent: en attente. Puis on entend un message disant que l’abonné n’est pas disponible… Effectivement, c’est une sorte d’«absence» qu’on ressent à l’écoute de cet opus, qu’on dirait non pas bâclé, mais tiraillé dans trop de directions. Même si pourtant, bizarrement, les chansons ne sont pas si différentes que ça… On dirait seulement qu’il y a eu trop de grandes mains qui ont voulu y avoir leur place.

Ça reste un album qu’on écoute fort – en faisant autre chose… 

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