Plumes Ensemble, vous connaissez? Ils ont lancé leur premier album éponyme en 2012. Un heureux mélange d’indie et de classique. Vous me direz: le pop/classique, c’est souvent un peu trop mielleux et le mélange ne colle pas toujours. Vrai. Mais Plumes Ensemble se situe ailleurs. La plume est hybride. Le groupe, lui, est plus classique: alto, violoncelle, clarinette, guitare, harpe, batterie/percussions et voix. Enfin, grosso modo, car Plumes Ensemble cultive une géométrie variable, mais en son centre se trouve le tandem: Veronica Charnley (auteur/interprète) et Geof Holbrook (compositeur contemporain/multi-instrumentiste).

Leur musique joue avec nos habitudes grâce à un métissage des styles qu’ils savent manier avec équilibre. Les enchaînements harmoniques sont ingénieux. L’instrumentation est variée et finement réalisée. Ça plane, ça groove. Ils puisent dans les ambiances rétros et indie, dans l’écriture classique et contemporaine. Hybride, oui, et à la fois, tellement homogène.

Ils ont flotté pendant deux ans et voilà que Plumes Ensemble déploie un nouvel album: Folk Songs And Future Loves. Résolument plus du côté de la musique de chambre cette fois, on y retrouve même des pièces du répertoire de la musique contemporaine. Aux sept titres originaux sont intercalées trois pièces tirées des Twenty Hungarian Folksongs du compositeur Béla Bartok et six pièces des magnifiques Folk Songs de Luciano Berio. Et on passe d’un genre à l’autre sans trop s’en rendre compte. Je n’y comprends rien! Et c’est tant mieux.

Qui sont Bartok et Berio? Le premier, compositeur hongrois, est aussi un des pionniers de l’ethnomusicologie. Bartok (1881-1945) a sillonné les routes de l’Europe de l’Est armé de rouleaux de cire et enregistrant sur ceux-ci ses habitants et leurs chants. Le second, italien, a exploré les multiples facettes de la voix. Berio (1925-2003) avait cette curiosité pour les autres langues et leur musique, ainsi que cette intelligence pour comprendre leurs caractéristiques. Ses Folk Songs en sont un bel exemple. Et Plumes Ensemble les rend bien. Il faut entendre Rossignolet du bois, si simple, mais si envoûtant. Et il faut dire que l’accent anglophone de Charnley s’accorde au charme de ce trio voix, clarinette et harpe. À noter aussi l’aérienne et mystérieuse Astömlöcben de Bartok.

Ces chansons folkloriques ne sont pas étrangères aux mélodies de Veronica Charnley auxquelles on peut entendre des similitudes avec d’anciens chants anglais. On y retrouve aussi les tournures accrocheuses de l’indie qui prennent par la suite des développements plus lyriques. On sent que l’écriture de Veronica a pris du coffre et des libertés depuis son premier album, ce qui donne vie à des contours mélodiques élaborés, amples, trouvant écho aux instruments (tout particulièrement la clarinette – Louise Campbell – jouant souvent le rôle d’extension des mélodies avec ingéniosité). Les arrangements de Holbrook contiennent une profondeur où la harpe (Éveline Grégoire-Rousseau) apporte une féérie d’un autre temps. La voix de Veronica est toute en finesse, lumineuse, tout en gardant du corps; comme un quelque chose d’un vitrail de la renaissance. Plumes Ensemble incarne un Purcell à l’heure des hipsters.

Folk Songs And Future Loves est un disque d’où se dégage une sérénité et qui, à la fois, déstabilisera un tantinet votre écoute. On aime Swimming With Astronauts et l’accrocheuse Away From Home de leur premier album, reprise ici dans un arrangement convaincant.

L’«indie-classical» est un genre à découvrir. À la pointe de ce mouvement à Montréal, il faut avoir la chance d’entendre Plumes Ensemble en concert; l’instrument acoustique y prend tout son sens. D’autant plus que ce sont d’excellents musiciens. Leur performance, limpide, à la Sala Rossa en décembre dernier, ensorcelait l’oreille.

Ma note: 7/10

Plumes Ensemble
Folk Songs And Futur Loves
Indépendant
48 minutes

http://plumesensemble.bandcamp.com