Critiques

Jesuslesfilles

Daniel

  • Blow The Fuse Records
  • 2018
  • 27 minutes
7

La drôle de bibitte qu’est Jesuslesfilles a vu le jour en 2008, dans mon quartier d’adoption, et j’ai nommé : Hochelaga, mon amour. La composition des membres du groupe a changé, mais le « frame » est resté le même : une fille et quatre garçons. Depuis la sortie de leur premier album en 2010, seuls Martin Blackburn (voix et guitare) puis Benoit Poirier (batterie) sont restés les fidèles apôtres de Jesuslesfilles. La voix d’Azure De Grâce a été remplacée par celle de Yuki Berthiaume-Tremblay (IDALG), la guitare de Mathieu Blackburn fut troquée contre celle de Philippe Hamelin, puis finalement, c’est Guillaume Chiasson (Ponctuation) qui a succédé à Pascal Savard à la basse.

Si j’avais à t’envoyer une sorte de CV du groupe, j’y mentionnerais qu’en 2010, Jesuslesfilles a accouché de l’album Une belle table. Disque très intéressant, efficace, avec une basse très présente, des rythmes marqués et des instruments qui s’imposaient au-dessus des voix, laissant les paroles en second plan. Reste que ce premier disque nous annonçait la venue d’un nouveau p’tit bijou dans le monde musical.

C’est en 2014 que Jesuslesfilles nous présentait sa seconde progéniture, Le grain d’or. Loin d’être décevant, l’enregistrement était plus professionnel et démontrait une sacrée évolution, sans nous déstabiliser. On reconnaissait notre p’tit bijou d’antan : un band bruyant qui sait nous rentrer dedans, en enchaînant des pièces toutes aussi divertissantes les unes que les autres. Les instruments abrasifs laissaient maintenant plus de place aux paroles et aux voix.

Fidèles à leurs habitudes, suivant les tendances électoralistes, quatre années s’écoulent avant que les membres du groupe nous annoncent de la sortie de l’album Daniel qui paraîtra le 4 mai prochain. Pour nous titiller avant la découverte de ce cher Daniel, on a droit à la sortie du vidéoclip de la pièce Parasol. Au fond, Parasol c’est une succession de magnifiques images tout aussi humoristiques que sarcastiques, teintées de coupes Longueuil, de moustaches molles, d’une palette de couleurs douteuses, le tout réalisé à l’aide de caméras VHS. Il ne se fait pas meilleur préambule d’album.

Déjà, la pochette jaune soleil nous amène l’été en format audio. Sans quitter le rock-garage-sixties, le groupe nous offre une œuvre originale, aux rythmes dansants, avec des mélodies accrocheuses et des paroles courtes, simples et légèrement décousues, mais on aime ça. Les mots ont plus de tempo que de sens. Le côté instrumental garde toujours une place très importante autant sur le plan sonore que de la composition, mais il permet aux puissantes harmonies vocales de Yuki et Martin de se déployer. On a l’impression que les deux acolytes nous crient avec désinvolture les paroles de chaque pièce.

Normalement, j’accorde beaucoup d’importance aux paroles. Dans le cas présent, elles servent plutôt d’assises à la rythmique et ça fonctionne. Ça fait même du bien. Daniel est la preuve de l’évolution du groupe, l’album est complet malgré les pièces brèves qui le composent. C’est l’intensité et l’authenticité de chaque chanson qui fait un ensemble cohérent et entier. Bon, on sent parfois que les arrangements se ressemblent de pièce en pièce, on est peu étonnés, mais on nous garde éveillés, attentifs et très reconnaissants de pouvoir retrouver à nouveau Jesuslesfilles.

Mention particulière aux chansons suivantes : Daniel, qui dépeint un personnage fort attachant, généreux, qui ne ressemble à personne, un gars qu’on voudrait tous dans notre entourage. Hôpital, que j’ai en tête depuis la première écoute. Les paroles sont décousues, la syntaxe est particulière, mais c’est un ver d’oreille fort efficace. Téléroman, la pièce nuageuse de l’album soleil, celle qui me touche particulièrement. Elle parle d’une femme qui semble prise dans une solitude dont elle souhaite sortir, une fille qui désire devenir quelqu’un d’autre, sans y parvenir. +1, parce que cette pièce laisse plus de place à Yuki, par solidarité féminine, j’adore sa voix qui crie une frustration envers une personne qui l’a blessé profondément. Ça entre dans la poitrine solidement.

Jesuslesfilles, c’est un peu la version québécoise, légère, antidépressive et désopilante des Pixies.

Jésus t’aime.

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