Critiques

Failure

The Heart Is A Monster

  • Indépendant / INgrooves Music
  • 2015
  • 65 minutes
7

FailureL’année 2015 est jusqu’à présent un véritable buffet de réunions de groupes phares des années 90. S’il vous reste un peu de place, vous voudrez tendre l’oreille au premier album en dix-huit ans de la formation californienne Failure, qui s’est fait surnommer «le groupe préféré de votre groupe préféré». Ce surnom est vrai si votre groupe préféré a été Tool, Cave-In, A Perfect Circle ou Paramore à un moment ou un autre, ce qui n’est pas si improbable.

Largement incompris quand il était actif, de 1991 à 1997, Failure a lancé les albums Comfort, Magnified et Fantastic Planet avant de se séparer pour deux causes principales: la frustration d’être généralement ignoré, et la place grandissante que prenaient les drogues dures dans la vie d’au moins un de ses membres. Après s’être réunis pour quelques spectacles en 2013, les trois musiciens ont constaté que le courant passait toujours entre eux, et que l’âge avait eu un effet assagissant favorisant la sobriété. De plus, les années n’avaient fait que gonfler les rangs de ses admirateurs, en particulier pour le très marquant Fantastic Planet. Bref, le fer était chaud, et Ken Andrews, Greg Edwards et Kellii Scott se sont mis à la tâche de le battre.

Un dilemme se pose devant toute réunion de ce genre: reprend-on le style qui nous a fait connaître, ou s’engage-t-on sur de nouvelles avenues? Ce n’est pas comme si le groupe avait été dans le coma pendant dix-sept ans, après tout: Ken Andrews a fait du travail de réalisation en plus de lancer les projets plus ou moins solo On et Year Of The Rabbit, et Greg Edwards a fait deux formidables albums avec son groupe Autolux. Cette réunion aurait donc pu être totalement tournée vers les nouvelles idées et être un ambitieux nouveau départ. Même si on a droit à plusieurs excellentes compositions, il est difficile de nier que les attentes et les regrets du passé pèsent encore lourd sur les épaules du trio.

Certaines pièces de The Heart Is A Monster avaient été révélées bien avant cette semaine. Il y a eu Come Crashing et The Focus à l’été 2014, des nouvelles compositions fidèles au style habituel du groupe, mais d’autres pièces remontent à il y a bien plus longtemps. La compilation et le DVD Golden, qui présentaient des morceaux inédits de la première période de Failure, comprenaient une vieille version live d’I Can See Houses, la planante et légèrement monotone dernière chanson de l’album. Il y avait aussi un démo remontant à 1992 de la pièce Petting The Carpet, qui est ici retravaillée et allongée, mais qui dégage tout de même une très forte odeur de début des années 90.

On compte parmi les moments forts les refrains d’A.M. Amnesia et de Fair Light Era, et des pièces solides et bien équilibrées comme Hot Traveler, Come Crashing et Counterfeit Sky. La compétence d’Andrews et Edwards pour la composition et la réalisation est indéniable. Il y a cependant peu qui surprend sur The Heart Is A Monster. Les structures sont invariablement du type couplet-refrain-couplet-refrain-pont-refrain. La plus grande surprise vient avec la pièce Mulholland Drive, qui est aussi la plus rétro du lot avec ses antécédents évidents dans Pink Floyd et Paul McCartney à sa période Live And Let Die.

The Heart Is A Monster devrait satisfaire les fans qui avaient manqué le bateau la première fois, mais j’y entends tout de même ce que le groupe a fait de plus triste. Failure a toujours exprimé une forte mélancolie, même dans ses riffs et ses mélodies les plus puissants, et je n’avais jamais trouvé que ça rendait sa musique déprimante. Le groupe a cependant si peu changé, ses idées restant à peu près les mêmes, et les thèmes d’isolement émotionnel et d’aliénation sociale sont encore bien présents dans ses textes. L’utilisation des intermèdes numérotés Segue 4 à Segue 9 suggère d’ailleurs que le groupe voulait faire de cet album la suite immédiate de Fantastic Planet, qui comprenait les Segue 1, 2 et 3. Peut-être que Failure ne fait que jouer dans la même palette pour éviter de déplaire aux fans de leur magnum opus de 1996. Peut-être aussi que ses membres sont vraiment restés à ce stade, sans nette progression personnelle. Dans un cas comme dans l’autre, l’immobilisme nuit au plaisir que je prends à cet album néanmoins très bien fait.

Ma note: 7/10

Failure
The Heart Is a Monster
Failure/INgrooves Music Group
65 minutes

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