Critiques

Corridor

Supermercado

  • Michel Records
  • 2017
  • 34 minutes
7

Deux ans après la sortie d’un premier long jeu fort apprécié de la critique, le groupe montréalais Corridor revient avec Supermercado, un nouvel opus qui saute à pieds joints dans le post-punk un peu dissonant à la Gang of Four. Une proposition assez audacieuse qui ne fracasse pas nécessairement des records d’originalité, mais qui a le mérite d’explorer des contrées peu fréquentées dans le rock franco.

De l’aspect dream pop de son précédent disque Le Voyage éternel, le quatuor a conservé les voix éthérées de style shoegaze qui donnent un aspect un peu vaporeux à l’ensemble, mais qui relèguent les textes au second plan, tellement les paroles sont difficiles à saisir. En fait, ce sont les guitares qui dominent ici, avec des riffs répétitifs qui se construisent au fur et à mesure que les chansons évoluent. C’est en quelque sorte un virage pour le groupe, qui nous avait habitués par le passé à des structures plus complexes, entrainant parfois en une impression de fourre-tout.

On sent que Jonathan Robert, Dominic Berthiaume, Julien Bakvis et Julian Perreault ont voulu resserrer les choses afin d’offrir un rock plus direct. Ce qui n’enlève rien à la complexité des constructions musicales, comme l’illustrent les enchevêtrements de guitares d’une chanson comme Demain déjà, la plus entraînante du lot. Mais on est moins dans un post-punk mi-tempo et sombre à la Joy Division, et davantage dans quelque chose de plus fiévreux, genre Ought ou Preoccupations

Certes, on ne peut qualifier le rock de Corridor d’accessible, mais certaines pièces se veulent un peu plus rassembleuses, dont les excellentes Coup d’épée et Data fontaine, sur lesquelles les mélodies accrocheuses parviennent à s’élever au-dessus des guitares sales et distordues. Sans compter L’histoire populaire de Jonathan Cadeau, qui ferme la marche avec sa folk-pop nostalgique typique des années 60 héritée du Velvet Underground, même si son côté givré et pétillant détonne comparativement au reste du disque, beaucoup plus sombre dans les thèmes et les ambiances.

Ceux et celles qui avaient adoré Le Voyage éternel remarqueront d’ailleurs la perte d’une certaine énergie psyché rock qui caractérisait des morceaux comme L’entrée du portail ou Abus d’habits. Ce nouvel album n’en fait pas totalement abstraction (les expérimentations sonores de la chanson-titre, par exemple), mais l’accent est davantage mis sur les rythmiques serrées, réglées au quart de tour.

Au final, même si le résultat s’avère efficace et fort satisfaisant, on souhaitera que Corridor s’affranchisse un peu plus de ses influences. Bien sûr, le son de guitare d’Andy Gill (Gang of Four) a engendré nombres d’émules dans la sphère néo-post-punk et il est difficile d’éviter les comparaisons, mais le quatuor montréalais possède suffisamment d’attributs afin de développer un son plus distinctif.

Quant au choix de laisser le chant planer doucement sur les autres instruments sans jamais prendre le dessus, il se justifie esthétiquement, même si les voix de Robert et de Berthiaume mériteraient de gagner en assurance. N’empêche, ce Supermercado demeure un très bel exercice, honnête, riche et un peu frondeur…

Ma note: 7/10

Corridor
Supermercado
Michel Records
34 minutes

https://corridormtl.bandcamp.com/