Critiques

Alain Lefebvre

Alain Lefebvre – Anything Any(one)Thing

  • Kohlenstoff Records
  • 2016
  • 51 minutes
6

Alain LefebvreAlain Lefebvre est un compositeur de musique expérimentale actif depuis 2002, qui a d’abord créé en studio avant de s’orienter davantage vers l’improvisation et la performance sur scène. Il nous a offert un premier album «live» en 2012 intitulé Objets And Electronics, confirmant sa démarche créative et une sonorité noise expérimentale. Il est revenu en 2013 avec Magic Eye, cette fois-ci sur l’étiquette montréalaise Kohlenstoff, ensuite en 2014 avec In the Gap Between People And The Strange Jungle Of Civilized Society. Son quatrième album live, ANYTHING ANY(one)THING, démontre la même maîtrise de la matière première.

Portrait de G.V. (initiales de l’artiste visuel Guillaume Vallée) est une interprétation de la collaboration entre Lefebvre et Vallée. Première improvisation noise expérimentale, la pièce gravite autour des duos connecté/déconnecté, allumé/éteint et des différentes formes de glitch inhérents à ces manipulations. Il y a une légère trame oscillante qui flotte derrière les crépitements et grattements. L’extrait du thème musical du classique/navet sci-fi Dune apporte une touche comique au discours.

Visions s’éloigne des mauvaises connexions pour aller dans les ronronnements réverbérés. Une oscillation ambiante sert également de guide sous les frémissements et bouillonnements électroniques. On est clairement plus dans la synthèse minimaliste, ainsi que la boucle montée en chant d’oiseau, c’est joli.

All-knowing, All-seeing, All-powerful s’apparente quant à elle à une respiration de débit de téléchargement, si une telle chose existe. La forme semble construite sur une suite d’erreurs de quantification. Le rythme passe de l’aléatoire à l’oscillation, comme si l’aiguille retombait dans le sillon de temps à autre.

On ressent davantage l’effet de boucle dans Anything, any(ONE)thing; les oscillations varient en vitesse, le timbre sonore est texturé par la distorsion et le délai serré. Les filtres passent des basses aux hautes fréquences pour révéler différentes combinaisons de rythmes, un peu comme un quartet de broyeurs.

L’œil magique, seule pièce non improvisée, marque une pause dans le sablage du canal auditif. C’est beaucoup plus ambiant, reposant sur du «field recording» de place publique. Une mince couche de trame réverbérée nous rappelle tout de même où l’on se trouve.

Sensation de particules, cinquième et dernière improvisation, reprend la forme de la boucle noise, cette fois-ci développée comme une accumulation de gouttes désincarnées, variant entre la bruine et l’orage.

ANYTHING, ANY(one)THING tient en équilibre entre la musique et le pur chaos. C’est clairement la force de l’improvisation de se tenir tout près du gouffre, sans pour autant y plonger. Le titre de l’album suggère peut-être justement cette exploration entre le n’importe quoi et le truc singulier, entre un océan de bruits et une note pure. C’est définitivement poétique, mais un peu dur sur la cochlée, qui se demande si tout cela est une source de danger.

Ma note: 6/10

Alain Lefebvre
ANYTHING, ANY(one)THING
Kohlenstoff
51 minutes

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