Critiques

Tropical Fuck Storm

Braindrops

  • Joyful Noise Recordings
  • 2019
  • 48 minutes
8
Le meilleur de lca

En juin, l’année dernière, cette chère Brute du Rock nous faisait découvrir la formation australienne Tropical Fuck Storm. Le groupe avait alors lancé l’un des meilleurs albums de 2018 : le tourmenté A Laughing Death in Meatspace sur lequel vous pouvez entendre You Let My Tyres Down. Une grande chanson !

Formé de Gareth Liddiard (guitariste-chanteur) et Fiona Kitschin (basse), le duo est accompagné par Lauren Hammel (High Tension) et Erica Dunn (Mod Con). Fait à noter, Liddiard et Kitschin font partie des excellents The Drones; groupe en pause depuis 2016. Cette année-là, le groupe avait lancé l’excellent Feelin’ Kinda Free.

Le son proposé par le quatuor est particulièrement difficile à définir. En fait, Tropical Fuck Storm échappe aux étiquettes malgré les ascendants qu’on peut déceler dans sa musique : Fugazi, Nick Cave and the Bad Seeds, Protomartyr, pour ne nommer que ceux-là.

La semaine dernière, les Australiens catapultaient leur deuxième album studio en carrière : Braindrops; un disque qui emprunte autant au post-hardcore qu’au post-punk déjanté « à la Birthday Party ». Mais ce qui différencie réellement la formation de ses semblables est ce sens du tragique, superbement incarné par Liddiard, et qui émeut jusqu’à la moelle.

Bien campés dans son époque, les textes – gracieuseté du chanteur-guitariste – évoquent intelligemment les dialogues de sourds qui pullulent sur les réseaux sociaux, les légendaires fake news (malheureusement!), la misère sexuelle et le « bonheur » consumériste. Ces mots sont déballés de manière inquiétante par Liddiard. L’explosive entrée en matière, titrée sarcastiquement Paradise, est un exemple probant cette atmosphère « orwellienne » qui caractérise cette production :

« So if you’re thinking, you’ll do better

Just to know there’s nothing around here

That a miracle won’t mend

Why hang around forever ? »

Paradise

Musicalement, les guitares sont rarement « conformes ». Toujours grinçantes et souvent dissonantes, celles-ci escortent à merveille la voix parfois inharmonieuse, mais empreinte d’une authentique intensité de Liddiard. L’apport vocal de Kitschin et Dunn vient régulièrement domestiquer l’interprétation du chanteur… cette sorte de furie subtilement réprimée, prête à détoner à tout moment. La conclusive Maria 63 est le mariage parfait des approches vocales atypiques du tandem féminin et de Liddiard… et c’est aussi l’un des meilleurs morceaux de ce superbe album.

Même si ce Braindrops s’apprivoise graduellement, à petites doses, quelques pièces immédiates vous permettront de persévérer lors des premières écoutes. Vous serez conquis par la mélodie vocale de Kitschin dans Who’s My Eugene ?; une sorte de post-punk accrocheur qui met en vedette la voix juvénile de la bassiste. La sautillante The Planet of Straw Men, premier extrait de l’album, est la pièce idéale pour bien saisir l’univers de Tropical Fuck Storm. En contrepartie, il vous faudra quelques auditions afin de bien assimiler les allers-retours bruitistes entendus dans The Happiest Guy Around. Idem pour Desert Sand of Venus; pièce aussi planante que cacophonique. Ce disque est nettement plus complexe et nuancé qu’A Laughing Death in Meatspace.

Tropical Fuck Storm possède une identité sonore/littéraire forte, ce que très peu de groupes rock peuvent se targuer d’avoir.

Un disque conçu sans aucun compromis. Un groupe inclassable et indémodable.