Tortoise
The Catastrophist
- Thrill Jockey Records
- 2016
- 44 minutes
Sept ans après le tableau d’abstractions qu’était Beacons Of Ancerstorship, les éminences grises du post-rock américain, Tortoise, reviennent avec un septième album studio. Regard sur ce retour attendu pour le groupe de Chicago qui a non seulement fait de l’expérimentation son éthique de travail, mais qui en a fait la condition même de son existence.
Et l’ironiquement titré The Catastrophist ne fait pas exception, et ce, même s’il est jusqu’ici l’album le plus accessible du quintette, lire ici, le moins cérébral. Et je le dis sans jugement de valeur: il est le premier disque de Tortoise sur lequel vous n’aurez pas besoin de vous faire les dents. On s’entend, il n’y a pas de contenu radiophonique ici, mais voilà un effort de post-pop (!) aux accents krautrock certes immersif, mais tout à fait plaisant à écouter. Et surtout, voilà un retour en phase avec «l’air du temps» pour Tortoise.
Globalement, The Catastrophist est un album qui suscite les émotions de ses auditeurs: il n’est pas un portrait qu’il vous faudrait décrypté, il est l’ambiance qui vous permet de dessiner le vôtre.
Musicalement les amateurs du triumvirat Zombi, Maserati, Trans Am seront en terrain connu. Tortoise explore ici cet épais mélange hétérogène de grooves et d’éther synthétique en adoptant des sonorités qui ont fait le renom de ces trois grands du post-rock contemporain. À noter que Mogwai a tenté également cette incursion «néo-kraut» sur Rave Tapes.
Mais The Catastrophist n’est pas un long fleuve tranquille malgré sa cohérence. On y retrouve un nouvel univers nimbé de lumière sur chaque titre.
Deux moments détonnent particulièrement dans cet étrange chaos (dés)organisé. D’abord Rock On, cette reprise sur les amphétamines de ce vieux tube de David Essex, chantée ici par Todd Rittmann. On baigne ici dans une ambiance urbaine lourde, très trip hop, si une telle chose pouvait encore être dit après Mezzanine de Massive Attack. La voix y est à la fois chaude et inquiétante, comme un appel au vice. Un bon moment.
Et puis plus tard il y a cette douce Yonder Blue avec Georgia Hubley (de Yo La Tengo quand même), sorte de balade décalée – genre film de David Lynch -, mais tout de même envoûtante. Réussi.
Mais la force de Tortoise demeure dans la finesse des compositions instrumentales, dans le jeu des crescendo et des transitions contre-intuitives. Celles-ci sont davantage camouflées dans la post-sitedemo.cauction, mais opèrent sur Hot Coffee et Shake Hands With Danger notamment.
Bref, The Catastrophist est un album différent de Tortoise, un album qui groove, mais surtout, un album qui joue avec les codes de la pop bien plus que ce à quoi le groupe nous avait habitués auparavant. Considérant qu’il a érigé sa réputation sur sa méthodique décontraction du rock, voilà une proposition néanmoins radicale pour un disque somme toute feutré.
Ma note: 8/10
Tortoise
The Catastrophist
Thrill Jockey
44 minutes
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