Critiques

The C.I.A.

Surgery Channel

  • In The Red Records
  • 2023
  • 32 minutes
7

Parmi les nombreux projets collaboratifs auxquels participe le productif Ty Segall, il y a la formation The C.I.A. Ce trio est formé de Segall et de l’habituel acolyte, le multi-instrumentiste Emmett Kelly (The Cairo Gang). Or, ce qui caractérise la formation, c’est assurément l’apport vocal et littéraire de Denée Segall, l’épouse du rockeur. Récitant ses commentaires sociaux avec détachement, elle intensifie sans aucun doute le penchant « malsain » du groupe.

En 2018, The C.I.A. nous avait proposé une parution éponyme. La semaine dernière, les Segall étaient de retour avec un nouvel album intitulé Surgery Channel. Enregistré aux studios Harmonizer, propriété de Ty Segall, ce deuxième chapitre dans la carrière de la formation pige allègrement dans la new wave et l’électro-punk tout en incluant quelques virées sonores dans le rock progressif et même le métal. Un disque étrange, mais qui assume bien sa singularité.

Surgery Channel est plus expérimental que la vaste majorité des projets du Californien d’origine. Dès le départ, le ton est donné avec Introduction, pièce où l’on entend Denée Segall souffler comme si elle était branchée à un appareil respiratoire pendant une intervention chirurgicale. Par la suite, c’est un périple musical dissonant, et parfois même déviant, auquel l’auditeur sera convié.

Par exemple, dans You Can Be Here, l’étonnante mélodie pop de Denée détonne comparativement au martèlement électro-punk asséné par le duo Segall-Kelly. Comme si les Go-Go’s jouaient sous l’effet d’amphétamines ! Cette formation féminine de pop-rock menée à l’époque par Belinda Carlisle a connu un pic de popularité au début des années 80. Sur Inhale Exhale, c’est l’influence de la formation noise rock américaine Lightning Bolt qui se fait sentir. Surgery Channel, Pt. II, elle, est une sorte de chant funèbre qui détient des liens sonores significatifs avec les Butthole Surfers.

Littérairement, la chanteuse-parolière respecte en tout point la tradition post-punk. Dans Construct, Denée débite de manière monocorde une série de mots accentuant ainsi l’effet déjà aliénant de la chanson :

Needle, image, guided, liquid, argument, hurting, reset, silent, ceiling, latex

– Construct

Parmi les autres morceaux dignes de mention, l’influence toujours bienvenue des Melvins dans Impersonator est franchement perceptible. Le rythme métallique et frénétique dans The Wait, combinée à l’interprétation urgente de Denée Segall, fera assurément grimper vos pulsations cardiaques et la conclusive Over vous téléportera sur un plancher de danse stroboscopique.

Les mélomanes qui ont été séduits par l’incursion électro-rock de Ty Segall sur l’album Harmonizer ou par le tonitruant Fungus II de Wasted Shirt — un tandem formé de Segall et du batteur Brian Chippendale de Lightning Bolt — sauront apprécier à sa juste valeur ce Surgery Channel.