Critiques

The Breeders

All Nerve

  • 4AD
  • 2018
  • 33 minutes
7,5

Il y a de ces groupes qui reviennent à la vie au moment où l’on s’y attend le moins. Qui aurait parié sur un retour des Breeders en 2018 ? Pas moi. Compte tenu des problèmes personnels qui ont toujours tourmenté les sœurs Deal (Kelly et Kim), le retour sur disque de l’une des formations parmi les plus mésestimés des années 90 relève de l’exploit. L’histoire des Breeders est profondément marquée par l’un des plus grands succès rock des années 90 : Cannonball. Encore aujourd’hui, les bons vieux et indécrottables alternos ne peuvent s’empêcher de sourire en entendant ce brûlot.

Cette fois-ci, les sœurs Deal sont retournées à leurs anciennes amours – et dans la joie la plus totale, semble-t-il – en renouant avec Josephine Wiggs (basse) et Jim Macpherson (batterie); les deux ayant œuvré activement sur le classique du groupe : Last Splash (1993). Et qui de mieux pour assurer la réussite de l’aventure que de faire appel à Steve Albini à la réalisation ?

Dix ans après la parution du correct Mountain Battles, voilà All Nerve… et les Breeders ne ratent pas leur coup, tant s’en faut ! Le quatuor propose un album intemporel, malgré la signature « loud quiet loud » typiquement années 90 qui a toujours caractérisé le son de la formation. Et c’est juste assez inventif et « chambranlant » pour y déceler une réelle envie de créer un album pertinent. On est loin de la paresse créative qui afflige ce bon vieux Charles Thompson des Pixies, alias Black Francis, alias Frank Black, etc.

Les Breeders s’efforcent de s’éloigner de la pop bondissante, insouciante, et forcément juvénile, des débuts pour offrir des chansons plus mélancoliques et senties. Enfin, Kim et Kelly cessent de cabotiner et se dévoilent subtilement au travers ces 11 chansons. Dans Howl At The Summit, des références aux saloperies de manifestations d’extrême droite qui ont eu lieu à Charlottesville les 11 et 12 août 2017 sont saupoudrées tout au long de la chanson. C’est sans compter sur toutes ces allusions féministes, pleines d’empathies, que l’on peut entendre sur quelques pièces. Bref, du vrai, du naturel et de l’authentique !

Ce nouvel album des Breeders se hisse tout juste en deçà de Last Splash en termes de pertinence, du moins en ce qui me concerne. Aucune chanson ne fait office de remplissage et parmi les meilleures, j’ai noté l’extrait sautillant, « très Breeders », intitulé Wait in the Car. Walking with a Killer évoque mélodiquement et musicalement le meilleur de Pavement. MetaGoth est un beau clin d’œil à l’esthétique noise-pop et shoegaze et Dawn : Making an Effort est franchement émouvante.

Voilà ma première surprise musicale de l’année. Je suis heureux pour la sympathique, mais troublée, Kim Deal, qui en a sérieusement bavée, particulièrement sous la férule de M. Pixies lui-même, Charles Thompson. Ce qui me réjouit au plus haut point, c’est que les Breeders surpassent largement le récent travail du « maître », par l’inventivité des chansons, mais d’abord et avant tout, par leur sincère charge émotive. Un « grower » étonnant.