Critiques

Suede

Autofiction

  • BMG
  • 2022
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Au milieu des années 1990, alors que la Britpop dominait les palmarès même de notre côté de la flaque grâce à la guerre entre les fans de Blur et Oasis, d’autres groupes existaient dans l’espace médiatique sans avoir le même succès que les deux titans du genre. Leurs clips jouaient à Musiqueplus, mais c’était pas mal leur seule vitrine ici. C’est grâce à la défunte chaîne musicale que j’ai connu l’existence des deux autres groupes qui composent à mon avis le «Big Four» de la Britpop : Pulp et Suede.

Si je n’ai jamais vraiment accroché au groupe de Jarvis Cocker, je ne peux pas en dire autant de Suede. Le côté androgyne et théâtral de Brett Anderson m’a accroché instantanément et c’est grâce à son chant intense, à mi-chemin entre la flamboyance d’un Bowie et le trop-plein d’émotions d’un Morrissey, que je suis devenu vraiment fan. Le premier album du groupe, porté par des tubes incroyables (Moving, The Drowners, Animal Nitrate, etc.) est un véritable manifeste de la quête de liberté qu’inspire la jeunesse et c’est l’un des disques dont j’ai le plus abusé quand je ne m’adonnais pas à l’écoute active de punk/grunge ou de métal. Pour moi, il n’y avait pas de concours à savoir lequel des quatre groupes britanniques était le meilleur.

Enfin bref, ça a duré un temps. Le guitariste Bernard Butler a quitté le groupe après le classique Dog Man Star. Son remplaçant, Richard Oakes, alors âgé de 17 ans, a fait ses débuts sur le très réussi Coming Up. Ensuite, le virage plus électronique de l’album Head Music a largement aliéné les fans de la première heure même si l’album demeure très respectable et A New Morning, paru en 2002, est probablement l’album le plus faible du groupe, qui était alors en chute libre en matière de popularité. Une pause de 7 ans s’est ensuite imposée et il en faudra 10 pour mettre enfin la main sur le 6e album du groupe. C’est depuis la parution de ce Bloodsports que la formation produit des albums de qualité à la chaîne. Le Night Thoughts de 2016 figure parmi les meilleurs albums du groupe et The Blue Hour est aussi très respectable, même s’il est plus difficile d’approche en raison d’un concept un brin alambiqué.

Par contre, il y a une énorme différence entre un bon album et un chef-d’œuvre et je pense qu’Autofiction, le nouvel album de la bande à Brett, se classe facilement dans le top 3 de la discographie de Suede. Sur un ring, il donnerait du fil à retordre au premier album du groupe, d’après moi. Peut-être que la pandémie a poussé les musiciens à revisiter leurs racines ou à passer plus de temps pour peaufiner leurs chansons, je ne sais pas.  Ce qui est clair, c’est qu’on est en présence d’un album rock urgent, sensible et actuel comme il s’en fait très peu de nos jours.

Tout ça commence en force avec She Still Leads Me On, un hommage aussi émouvant qu’explosif à la mère décédée de Brett Anderson qui combine sensibilité et intensité, qui sont un peu les deux pôles de l’œuvre. Ça se poursuit avec un spoken word martelé par une trame musclée et un refrain scandé qui ne relâche pas la pédale. 15 again est un hymne à la beauté de la jeunesse perdue et à la fierté d’y avoir survécu. Après ce trio bien tapageur, The Only Way I Can Love You nous offre une petite pause de frénésie sans tomber dans la catégorie des chansons de remplissage. D’ailleurs, on a beau chercher ce type de chanson ici, c’est plutôt peine perdue et chaque chanson est un élément essentiel de l’album. Drive Myself Home est la rare balade sombre qui rappelle les chansons plus douces de Dog Man Star et Black Ice est un rock ascendant punk plus rageur que tout ce que le groupe à pondu, des années 1990 à aujourd’hui. Après mes premières écoutes, j’étais complètement charmé par le brûlot post-punk Shadow Self. Au moment d’écrire ces lignes, c’est That Boy on The Stage qui est ma préférée et j’aurai probablement changé d’avis demain.

Bref, le nouvel effort de Suede est vraiment meilleur que ce à quoi on s’attend d’un 9e album en carrière. En ce qui me concerne, il y a des retours en force et il y a Autofiction. Sans contredit la plus grande surprise de l’année pour moi. Écoutez-le au plus vite.

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