Critiques

Spencer Krug

Fading Graffiti

  • Pronounced Kroog
  • 2021
  • 36 minutes
6,5

Spencer Krug est un des artistes les plus prolifiques de la scène indie rock. En plus de son travail au sein de Wolf Parade, il a fait partie des formations Sunset Rubdown et Swan Lake, sans oublier ses cinq albums parus sous le pseudonyme Moonface. Mais c’est la première fois qu’il lance un disque sous son propre nom, et pour cause, car Fading Graffiti s’avère son projet le plus personnel jusqu’à présent.

Ce serait facile de qualifier Fading Graffiti de proverbial « album de la maturité » pour Krug. En effet, le musicien originaire de la Colombie-Britannique est devenu papa au début de la pandémie, et on devine que son quotidien en a été passablement chamboulé. En entrevue récente avec le magazine Stereogum, Krug a aussi expliqué qu’il avait dû apprendre à travailler uniquement de la maison. Et enfin, il s’est lancé en affaires en créant sa propre maison de disques, Pronounced Kroog.

Mais la vérité, c’est que la genèse de Fading Graffiti remonte à deux ans déjà, quand Krug s’est séparé amicalement du label américain Jagjaguwar et qu’il a décidé de lancer sa musique lui-même sur la plateforme Patreon. Il a donc pris l’habitude de publier une nouvelle chanson chaque mois, accessible aux abonnés ayant un forfait mensuel. Pour lui, le but était de réduire le nombre d’intermédiaires entre l’artiste et son public, en rendant la création plus directe et surtout plus spontanée.

Les dix chansons qui composent Fading Graffiti sont issues de ce processus, c’est-à-dire qu’elles existaient déjà sous une autre forme avant que Krug ne les assemble. Le musicien ne s’est cependant pas contenté de faire du copier-coller. Ainsi, il a réuni autour de lui un groupe d’instrumentistes pour donner un vernis plus indie rock à ses chansons, très loin de l’esthétique piano-voix de leur version d’origine.

L’élément le plus caractéristique de la musique de Spencer Krug a toujours été son timbre de voix, avec son vibrato intense. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’on le reconnaît tout de suite, peu importe le projet. Maintenant qu’il a choisi de se produire sous son propre nom, sa voix est encore plus au centre du mixage, comme s’il voulait insister davantage sur son authenticité en tant qu’auteur-compositeur-interprète.

Fading Graffiti est d’ailleurs le projet le plus personnel de la carrière de Spencer Krug, encore plus que l’excellent Julia with Blue Jeans On, lancé sous le nom Moonface en 2013, et sur lequel l’accent était davantage mis sur sa virtuosité au piano. Ici, les textes sont mis en évidence par l’esthétique étonnamment dépouillée de certains morceaux. Sur Having Discovered Ayahusca et One at a Time, Krug se la joue country americana, avec une influence de Tom Petty, et une belle utilisation de la guitare pedal steel. Ailleurs, Krug se confie sur ses doutes, comme sur Crossroads, où il admet candidement qu’il ne voit plus le but de faire de la musique dans la vie, ou sur Pin a Wing above the Door, où il parle de création et de paternité :

« Selling out my music just in case we have a baby

Pin a wing above the door ».

Pin a Wing above the Door

N’empêche, ce qui étonne le plus à l’écoute de Fading Graffiti, c’est à quel point les arrangements restent assez convenus. C’est d’autant plus surprenant que l’album est issu d’un processus par lequel Krug a pris ses distances par rapport à l’industrie afin d’être maître de ses affaires. Or, certains morceaux manquent de mordant, notamment la chanson-titre, qui évoque un peu Morrissey, ainsi que le trio formé de Wasted Energy, The Moon and the Dream et Serena’s Kills en milieu de disque. La meilleure est sans contredit Winter Sings to Fall, avec sa puissante ligne de piano.

Malgré ces quelques bémols, Spencer Krug livre ici un album très potable, mais qui s’oublie un peu vite. Cela dit, chapeau à cet artiste intègre pour avoir choisi de suivre son propre chemin, sans égard aux attentes de ses fans et de l’industrie.

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