Critiques

spare ribs

Sleaford Mods

Spare Ribs

  • Rough Trade
  • 2021
  • 43 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Voilà un sixième album studio pour ce duo originaire de Nottingham en Angleterre. Formé du caractériel Jason Williamson et du beatmaker Andrew Fearn, Sleaford Mods n’a plus besoin de présentation exhaustive. En 2015, ils ont publié l’excellent Key Markets. Ensuite, ils ont récidivé avec le tout aussi réussi English Tapas (2017), mais avec Eton Alive (2019), une certaine redite dans la formule « hip post-punk » de la formation a été détectée. L’année dernière, Sleaford Mods nous proposait All That Glue; un récapitulatif de la carrière du tandem ponctué de raretés, mais aussi de quelques nouveautés.

En 2017, Williamson expliquait très bien sa démarche littéraire dans une entrevue accordée à Télérama : « Ce sont des monologues intérieurs qui explosent en diatribes et qui partent en général d’un mot ou d’un coup de sang. Comme ces types dans un bar ou dans la rue qui se mettent à hurler dans le vide. ».

Enregistré en trois petites semaines pendant le confinement printanier, Spare Ribs est une référence à peine voilée à toutes les personnes décédées du coronavirus. Dans le communiqué de presse émis par la maison de disques, l’éloquent Williamson confirme : « Les vies humaines sont toujours à la portée des élites. Nous sommes désormais perçus comme des côtes levées ambulantes ».

Chez Sleaford Mods, la forte personnalité de Williamson a toujours occulté le travail rythmique de Fearn, souvent jugé de manière péjorative comme étant « minimaliste ». Cette fois-ci, ce Spare Ribs est enrichi par la signature sonore renouvelée de Fearn. Les trames et rythmes proposés par l’instrumentiste sont nettement plus étoffés, bonifiant ainsi la hargne habituelle de Williamson. Les entraînantes lignes de basse aux ascendants post-punk retiennent particulièrement l’attention.

Dynamisante, cette nouvelle production conserve toujours ce ton aussi grinçant et baveux, mais la musique, elle, vous donnera envie de monter le volume, d’ouvrir les fenêtres de votre appartement en dansant frénétiquement votre vie.

Évidemment, les thèmes coutumiers, évoqués par Williamson, sont de retour… comme un coup de matraque en plein visage. L’immigration, le Brexit, le conservatisme, l’élitisme économique, la bien-pensance qui flirte parfois avec la censure sont des sujets étalés, parfois avec peu de subtilité, disons-le, tout au long de cette création. On accepte. C’est Sleaford Mods.

Dans l’électro-psychédélique I Don’t Rate You, Williamson s’attaque à certains artistes poseurs qui ne cherchent qu’à se faire voir avec la vedette prisée du moment :

« What you’re telling me that for

Boozing with him for the look

I don’t want no stars near me

I’m not a fucking galaxy »

– I Don’t Rate You

Une majorité de chansons fera aisément leur chemin dans votre cortex cérébral. L’incursion dans la techno et la performance d’Amy Taylor (Amyl and the Sniffers) font de Nudge It un moment fort de l’album. Le flow baveux de Williamson dans la pièce-titre est jouissif. Dans Mork & Mindy, la paire formée de Williamson et Billy Nomates fonctionne admirablement bien.

Mais la pièce fortement appréciée par l’auteur de ces lignes est sans contredit Elocution; une chanson qui démolit sans gêne tous ces artistes soi-disant progressistes qui prennent position en faveur de la scène musicale indépendante tout en rêvant secrètement de ne plus en faire partie.

« I wish I had the time

To be a wanker just like you

And maybe then, I’d be somewhere lovely and warm

Just like you »

– Elocution

Spare Ribs est une dose massive de lucidité, celle qui pousse à l’action humble et concrète.

Une évasion parfaitement ancrée dans la réalité.

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