Critiques

Sharon Van Etten

Remind Me Tomorrow

  • Jagjaguwar Records
  • 2019
  • 41 minutes
8
Le meilleur de lca

Ceux qui me lisent régulièrement sont bien au fait de mon « obsession » concernant la longévité de la carrière d’un ou d’une artiste : le temps, cet ultime juge… Depuis 2009, l’auteure-compositrice-interprète Sharon Van Etten s’efforce constamment de peaufiner son art. Après deux premiers albums assez anonymes, mais appréciés de la critique (Because I Was in Love et Epic), l’Américaine nous gratifiait de l’excellent Tramp (2012), un disque aux allures folk rock, réalisé par Bryce Dessner de la formation The National. Mais c’est avec l’émouvant Are We There (2014) que Van Etten confirmait hors de tout doute le talent qui l’habite.

Aujourd’hui même, l’artiste âgée de 37 ans (bientôt 38 en février prochain) lance son 5e album studio intitulé Remind Me Tomorrow; une création écrite et composée pendant qu’elle était enceinte de son premier enfant et après avoir auditionné pour le rôle qu’elle a obtenue dans la série diffusée sur Netflix, The OA. Et durant cette même période, la dame a trouvé le temps d’amorcer des études universitaires en psychologie. Juste ça !

Dans le communiqué de presse mis à la disposition des journalistes, Van Etten décrit l’intention artistique qui a chapeauté la gestation de ce nouvel opus : « I want to be a mom, a singer, an actress, go to school, but yeah, I have a stain on my shirt, oatmeal in my hair and I feel like a mess, but I’m here. Doing it. This record is about pursuing your passions ».

Cette fois-ci, Van Etten n’éprouvait pas le besoin de réaliser elle-même son disque, souhaitant déléguer le travail à une oreille extérieure qui pourrait lui faire modifier son modus operandi. Elle a donc remis la réalisation entre les mains du réputé musicien, producteur et ingénieur de son, John Congleton (St. Vincent, Swans, Angel Olsen, etc.). Elle a également confié les versions démos de ses nouvelles chansons à Congleton, et ensemble, ils ont retravaillé les arrangements. Puisque Van Etten était blasé par son jeu de guitare, ils ont convenu d’un commun accord qu’il n’y aurait aucune « gratte » au programme.

Après avoir écouté les créations référentielles des formations Suicide et Portishead, en plus de l’album Skeleton Tree du bon vieux Nick Cave, Van Etten a plongé corps et âme dans un univers en toc, aux ascendants parfois gothiques… et ce changement de paradigme est totalement réussi. Orgue, piano, synthés, harmonium passé dans le tordeur de la distorsion, boîtes à rythmes, tout sur ce disque est synthétique, et pourtant, l’émotion est au rendez-vous. Qui plus est, il n’y a aucun racolage et aucune chanson faisant office de remplissage, malgré la facture légèrement plus pop qui distingue cette production.

Parmi les bons coups ? L’électro-pop Comeback Kid, la poignante Jupiter 4, la « springsteenienne » Seventeen, les synthés dissonants dans Hands, l’orgue dans Your Shadow ainsi que la conclusive Stay. Malgré une ouverture moins prenante (I Told You Everything, No One’s Easy to Love et Memorial Day), le disque prend sérieusement son envol à partir de Comeback Kid pour ne plus redescendre.

Si Are We There plébiscitait Sharon Van Etten en tant que chansonnière compétente, eh bien, Remind Me Tomorrow confirme qu’elle aura une longue, mais une très longue carrière. D’être en mesure de se remettre en question et de se transformer avec autant de pertinence, c’est signe qu’on a affaire ici à une grande artiste en devenir.

Oui, cette année musicale démarre sur des chapeaux de roues !

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