Critiques

Schoolboy Q

Blue Lips

  • Interscope Records
  • 2024
  • 56 minutes
8
Le meilleur de lca

Cinq ans après Crash Talk, voici que Schoolboy Q lance Blue Lips. Son sixième album solo se veut encore plus cru, éclectique que ses précédents. Il n’y a ici aucun doute que le rappeur se renouvèle, n’ayant nulle crainte d’élargir ses horizons.

Quincy Matthew Hanley, alias Schoolboy Q, affirme que l’album était prêt depuis un certain temps. Et voilà que, depuis quelques semaines déjà, il circule. Le rappeur a entre temps fait paraître un topo autocritique de ses oeuvres, mentionnant que sa plus récente est, selon lui, sa plus accomplie. C’est une question sur laquelle on peut longuement échanger, mais en attendant, penchons-nous uniquement sur Blue Lips.

Tout ce qu’on connaît de l’artiste se retrouve sur l’opus. Son flow résonne d’ailleurs toujours avec autant de hargne et assurance. C’est en tout 18 chansons qui cohabitent tout en ayant leur propre univers. C’est-à-dire que, si notre dispositif d’écoute ne se retrouve pas près de nous et qu’on l’entend pour la première fois, il arrive à plusieurs reprises de ne pas comprendre exactement la structure des chansons ni celle de l’ensemble. Thank god 4 me ainsi que oHio en sont de bons exemples. Mais il existe un filon qui vit au travers de chaque trame ; un certain désir de faire du art hip-hop. Autrement dit, l’album imprévisible est rempli de fragments de toiles juxtaposées. En perspective, ces morceaux ont tous la même palette même s’il semblent parfois aléatoirement placés.

L’artiste et ses productions s’éloignent ici donc d’une linéarité plus classique et c’est d’ailleurs ce côté disparate, en reliefs imprévisibles, qui ajoute beaucoup de la valeur à l’opus de 56 minutes. Le mélange des genres jazz, rap, trap et rock et les échantillons bien dosés, font que le tout groove dans plusieurs directions sans qu’on ne se perde pour autant. C’est que, sur ce projet, Schoolboy Q a des ailes ; sa zone de confort apparaît aérienne, sans limites. L’expérience est un manège où le plein contrôle est assuré par lui-même et ses acolytes. On peut à cet effet mentionner que les gens qui apparaissent sur ce projet permettent avec brio d’ajouter leurs textures. Outre les producteurs, plusieurs sont à découvrir. Disons que la présence de Rico Nasty sur Pop, de Childish Major sur Pig feet, de AzChike sur Movie et de Jozzy sur Lost Times transportent l’œuvre. Sans oublier Freddie Gibbs et Ab-Soul.

Peut-on dire que le titre est ironique sachant que le rappeur californien ne s’est jamais autant ouvert? Pas tout à fait. Ses fameuses lèvres bleues représentent plutôt son état d’esprit de la dernière demi-décennie. Après des mois à vivre, à réfléchir sur le monde et le sien au passé comme au présent, ainsi que produire, voici que son discours est maintenant tangible, audible. Ce qu’on peut en retenir est richement raconté, même si un petit bémol s’impose : certains mots employés sont dégradants. En arrivant à accepter que ça va prendre plusieurs années et peut-être une éternité pour voir un changement de cap complet sur cet aspect omniprésent dans le gangsta rap, on parvient à apprécier tout le reste de ce qu’il dit. Le côté narratif et les sujets abordés sont, globalement, une session d’humilité et de conscience de soi, de partage sur sa vie et son passé. Le tout est exprimé sans retenue.

Somme toute, c’est pour Schoolboy Q une réussite qui va plaire à ses admirateurs, à ceux de rap, de hip-hop et de trap, mais également aux mélomanes curieux de se poser sur ce genre d’expérimentation. Blue Lips en vaut plusieurs écoutes. La créativité du contrôleur ainsi que celle des gens qui l’entourent arrivent une fois de plus à nous accrocher de sorte qu’on ait envie de faire ou de refaire un marathon de sa discographie.

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