
Rico Nasty
LETHAL
- Atlantic Records
- 2025
- 34 minutes
Dans le monde du rap, les voix féminines ont dû faire leur bout de chemin pour se faire entendre, notamment les artistes avec des identités bien marquées. Trop exubérantes, trop provocantes, trop bruyantes… Qu’à cela ne tienne, rien n’allait les arrêter de se tailler une place parmi les plus grands. L’année dernière, la mixtape Alligator Bites Never Heal par la Floridienne Doechii a montré à quel point la perspective féminine sur le hip-hop était rafraîchissante. Aujourd’hui, on s’attaque à une nouvelle rappeuse, qui marche la ligne entre le rap et le rock : Rico Nasty. Prenant une page du style de rap dit « rage », ce style de musique empruntant de l’agressivité dans un hip-hop violent et débridé, Maria-Cecilia Simone Kelly bâtit son image, ses sonorités et sa carrière depuis maintenant onze ans, et quatre ans après son dernier album studio, Nightmare Vacation, elle revient à la charge avec LETHAL, projet relativement court, mais qui va droit au but.
Honnêtement, sur papier, c’est tout ce qui pique ma curiosité. D’autant plus que cela fait maintenant plusieurs années que Rico Nasty est un nom que je vois passer dans les espaces musicaux en ligne, sans que celui-ci soit véritablement exacerbé par la masse. De plus, en entendant les morceaux les plus abrasifs de LETHAL, on peut même s’arracher les cheveux en se questionnant : « mais pourquoi n’est-elle pas une superstar? » TEETHSUCKER (YEA3X) nous fait taper nos meilleurs écrasements de tête avec un cri de ralliement immédiat et dans lequel on ne se fait pas prier deux fois. Les morceaux de rage comme EAT ME!, GRAVE ainsi que SON OF A GUN montrent quel est le créneau de Rico Nasty : la puissance viscérale du rap, à sa manière. La rappeuse avait décrit cet album comme étant une « ode à soi-même », et, dans ce projet, d’ailleurs, sans collaborations, cela se sent, et ça force le respect.
En revanche, et c’est là où je suis plutôt déçue de l’admettre : je trouve que ça manque de relief. Le morceau ON THE LOW est doté d’une mélodie (très) accrocheuse, certes, mais au bout du premier refrain, on a déjà pas mal fait le tour. C’est dommage, parce que c’est une problématique qui revient à quelques reprises sur LETHAL, et j’ai l’impression qu’elle peut se résumer en un seul mot : LETHAL peut parfois sonner plat. Alors certes, pour n’importe quel auditeur, ce problème est le cadet de ses soucis, mais souvent, un morceau commencera en grande force, mais demeurera sur cette lancée, sans modification, sans pics et vallées, ce qui nous empêche de nous engager dans une véritable odyssée auditive. On a l’impression de traverser une longue autoroute au milieu du désert. Et, vu que je parlais de la durée courte des morceaux… bien justement, le temps n’est pas assez rentabilisé par rapport à la qualité intrinsèque de chaque morceau, et ça, c’est dommage. Ça l’est, parce que les chansons durant moins de deux minutes, ça peut être un avantage, puisque cela les rend concises sans qu’elles s’éternisent inutilement, mais au bout du cinquième morceau de cet acabit, la recette s’essouffle.
Cela dit, les moments de nuance et de fulgurance savent montrer le bout de leur nez, et ça fait du bien. PINK, par exemple, se laisse aller à des bruitages qui me font vite fait penser à la Hi-NRG, sous-genre de l’EDM. De plus, à partir du morceau de SMOKE BREAK, une transition s’effectue, et on a droit à la moitié la plus intéressante de LETHAL, car ce morceau entre la tête la première dans un rap-métal percutant et réussi. Entre le pop-punk assumé de CRASH et la fin en mode ballade rock avec SMILE, on voit que Rico Nasty fait preuve d’une versatilité et d’une douceur inattendue, mais qu’on accueille bien chaleureusement.
En comparaison avec son projet précédent, le tout-terrain et expérimental Las Ruinas, LETHAL se concentre sur une direction plus homogène, et même si, dans le cas présent, cette direction musicale a tendance à être répétitive, je vous assure que, dans une voiture, avec le volume à fond la caisse, le charme peut faire son effet. La musique de Rico Nasty est faite pour se défouler, et ça, nous en avons bien besoin.