Critiques

Porridge Radio

Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky

  • Secretly Canadian
  • 2022
  • 44 minutes
8
Le meilleur de lca

C’est en 2020 que le quatuor originaire de Brighton en Angleterre a pris réellement son envol avec la sortie de Every Bad; un disque qui dévoilait au grand jour l’empathie et la vulnérabilité de l’autrice-compositrice-interprète Dana Margolin. En dépit de la forte charge émotive des chansons de l’artiste, ce deuxième album de Porridge Radio demeurait somme toute assez sage, musicalement parlant, comme si on décelait une certaine incohérence entre la sensibilité de la meneuse et le son pop-rock de la formation.

Cette fois-ci, Margolin, Sam Yardley (batterie), Georgie Scott (claviers) et Maddie Ryall (basse) avaient bien l’intention de corriger le tir. Avec l’aide d’un proche du groupe, l’ingénieur de son Tom Carmichael, Porridge Radio nous présente son troisième album en carrière : Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky.

La genèse créative de ce nouveau long format a pris forme lorsque la tournée américaine prévue en compagnie de Car Seat Headrest a dû être annulée pour les raisons que l’on connaît. Margolin a donc convié ses accompagnateurs dans un studio de répétition afin de donner vie aux nombreuses chansons qu’elle avait encore en réserve. Le titre de l’album est inspiré par la symbolique de l’échelle de Jacob. En fait, ce récit allègue que pour atteindre la sagesse ultime (la connaissance de Dieu) l’humain doit franchir quelques épreuves par la connaissance naturelle, un processus par lequel la nature nous instruit.

Concrètement, elle s’est imprégnée de cette métaphore biblique afin d’exposer son propre chemin ponctué par quelques déceptions amoureuses et par une perte de naïveté quant à la capacité de l’être humain de vivre en harmonie avec ses semblables. D’autre part, Margolin a souffert de sérieuses crises d’anxiété liées à la popularité grandissante de la formation en Europe. À force de voir son visage sur de nombreux magazines musicaux, elle s’est mise rêvée à la Dana Margolin « lo-fi » qui présentait ses chansons de manière dépouillée dans les bars de Brighton.

Par conséquent, les textes de Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky sont intimistes et encore plus sentis que ceux qu’on pouvait entendre sur Every Bad. Dans Birthday Party, les effets physiologiques de l’anxiété sont explicités de manière éloquente :

A fear of death, a fear of dying

Why won’t the dog pick up the stick?

Panic sweats you wake up crying

Always feeling kinda sick

– Birthday Party

Pour sa part, la conclusive pièce-titre laisse entrevoir un peu de lumière dans le cœur et l’esprit de Margolin :

No, I don’t want the end

But I don’t want the beginning

All the way down to hell

All the way up to heaven

– Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky

Ce nouveau long format s’éloigne quelque peu du son d’Every Bad et ce n’est pas étranger à tous ces claviers, légèrement encrassés, qui bonifient la charge émotive des compositions de Margolin. Et en voilà une qui ne fait pas dans la retenue en interprétant ses chansons comme si sa vie en dépendait. Il s’agit de l’écouter attentivement dans Birthday Party lorsqu’elle répète ad nauseam « I don’t want to be loved », en chœur avec ses acolytes, pour bien saisir la réelle souffrance qui l’habite. Par ailleurs, ces refrains choraux pourraient lasser certains mélomanes tant ils sont légion tout au long de l’album. Mais pour l’auteur de ces lignes, cette récurrence mélodique ne diminue en rien le plaisir d’écoute.

Parmi les autres moments à fleur de peau, dans End of Last Year, Margolin rend un hommage touchant aux membres de son groupe. Sur The Rip, Porridge Radio visite avec habilité la pop plus que grande que nature de Charlie XCX, mais en y insufflant juste assez de hargne pour demeurer crédible. Dans Back to the Radio, l’introduction remplie de larsens met magnifiquement la table à l’arrivée de la voix tremblotante de Margolin.

Si Porridge Radio avait envie de se recentrer encore plus sur le fort ascendant de sa meneuse, c’est totalement réussi. Si le groupe avait le désir de durcir le ton sans perdre le penchant fédérateur de ses chansons, c’est encore réussi.

Waterslide, Diving Board, Ladder to the Sky, est un album de pop-rock sincère, unificateur, sans être racoleur. Chose qui n’arrive que trop rarement.