Critiques

Parannoul

To See The Next Part Of The Dream

  • Indépendant
  • 2021
  • 61 minutes
8
Le meilleur de lca

« Just a student writing music in my bedroom ». C’est ce que l’on peut lire sur la page Bandcamp du cerveau derrière le projet musical sud-coréen, Parannoul. D’ailleurs Bandcamp et Soundcloud demeurent à ce jour les seules plateformes parrainant sa musique, l’étudiant expliquant qu’il est encore trop gêné et incertain de son talent pour promouvoir son art autrement. Encore plus étonnant ? Ses propres parents ne sont même pas au courant de l’existence de son album. Pourtant, son long projet To See The Next Part Of The Dream est l’une des meilleures sorties du style shoegaze depuis longtemps. 

L’album est entièrement en coréen, faisant de la compréhension des paroles une tâche impossible. En revanche, l’instrumentation berce et raconte par elle-même. On ressent énormément de nostalgie, comme si l’on regardait au travers d’un viewmaster défilant des photographies souvenirs d’une enfance perdue. L’artiste raconte que ce projet est l’aboutissement même de ses rêves. Parannoul se souvient de la première fois où il a écouté de la musique indépendante coréenne ; « I still remember the first korean indie musician I heard. His music was so amateurish and difficult. The next musician I listened to had a great influence on my music life. However, his music was not promoted properly. Now they are all living their lives, disappearing from the Internet. ». 

Le coréen explique qu’il s’est souvent imaginé être ces mêmes artistes – enregistrer de la musique dans un appartement sombre, promouvoir des démos en les donnant à des amis proches, jouer dans des bars miteux, vivre chaque jour comme si c’était le dernier. Ces images sont vraisemblablement des idéalisations de la vie d’un musicien indépendant, mais ce sont ces mêmes images qui ont fait rêver et motiver l’artiste à se lancer en musique lui-même. L’album raconte les hauts et les bas du rêve de tout bon musicien ; devenir une rock star. 

L’album débute avec la superbe pièce Beautiful World qui arbore un son rock lo-fi flirtant avec le noise rock. D’ailleurs la sonorité lo-fi, dû au faible coût du mixage et du matriçage, donne presque l’impression de lire des bribes d’un journal intime. Ce sentiment de proximité avec l’artiste rappelle un peu l’intimité que procure la musique de Teen Suicide ou même celle de Car Seat Headrest lorsqu’il enregistrait encore dans une voiture. Il y a notamment de grosses influences emo tout au long de l’album. On peut penser aux notes de guitares abrasives qui s’étendent presque tout le long du refrain rappelant la sonorité de Sunny Day Real Estate.

Cette pièce est suivie par Excuse ; un crescendo aboutissant sur un magnifique breakdown donnant envie de faire bouger sa tête dans tous les sens. L’album vacille habilement entre des moments plus doux, où on sent la fiction éthérée prendre le dessus sur la vie de l’artiste ainsi que des moments plus lourds où la réalité du quotidien frappe de plein fouet. 

La pièce longue de dix minutes, White Ceiling, est un bon exemple d’utilisation de la forme musicale pour exprimer un sentiment. Nous nous sommes tous déjà étendus sur notre lit, regardant le plafond blanc au-dessus de nous, étant complètement dépassés par le sentiment quotidien de l’existence qui semble parfois s’allonger infiniment. Une fois le morceau terminé, l’auditeur se sent presque soulagé, évoquant le moment où notre conscience reprend ses droits et que nous sortons de ces réflexions anxiogènes interminables.

Écouter To See The Next Part Of The Dream c’est l’équivalent de se réveiller de l’un de ces rêves quasi sensoriels que nous croyons connaître si bien, comme si nous avions réellement vécu ces mêmes images, alors qu’elles sont pourtant nouvelles. L’album est un véritable bijou de musique indépendante.