Critiques

Oneohtrix Point Never

Magic Oneohtrix Point Never

  • Warp Records
  • 2020
  • 48 minutes
7,5

Oneohtrix Point Never, projet solo du compositeur new-yorkais Daniel Lopatin, est de retour deux ans après l’excellent Age Of (2018) avec son neuvième album savamment intitulé Magic Oneohtrix Point Never. Lopatin a fait du chemin depuis ses premiers albums ambiants teintés de new age, mais c’est possiblement son arrivée sur l’étiquette Warp avec R Plus Seven (2013) qui a fait passé le projet à un niveau supérieur, autant en qualité de production qu’en direction artistique. OPN a confirmé sa maîtrise de la matière atmosphérique avec ses trames sonores de Good Time (2017) et Uncut Gems (2019), et continue de s’amuser avec tout le reste sur Magic.

Cross Talk I démarre comme un projecteur 8mm qui accélère en chœur d’enfants et conclut sur un thème de radio-réveil qui dit « Wake up ». Auto & Allo déboule sur elle-même comme une boîte à musique tombée par terre, de laquelle s’échappe une jolie mélodie faite de pincements de cordes et d’une voix vocodée. Le mouvement s’arrête subitement pour laisser Long Road Home prendre une direction plus solennelle, presque épique, avec son thème de quête fantastique.

Cross Talk II prend la forme d’un ruban magnétique qui ne tourne pas à la bonne vitesse, enchaînant des conversations d’émission radiophonique. I Don’t Love Me Anymore refroidit l’atmosphère avec son rythme post-punk et son traitement lo-fi, au point où on ne saisit plus trop ce qui est chanté. Bow Ecco part d’une boucle acoustique à la guitare classique, et joue sur la longueur et la densité du mouvement avant de passer à une conclusion planante à la clarinette échantillonnée. The Whether Channel bondit en écho comme des gouttes dans une grotte, remplacé ensuite par une trame vaporeuse texturée par un dulcimer rebondissant à son tour, suggérant une élévation avant de redescendre dans la grotte et terminer par un segment hip-hop chaotique. No Nightmares revient à la voix vocodée sur une balade new age 80s qui se déplace comme une étoile filante, pour que tout le monde puisse faire un souhait.

Cross Talk III revient au ruban magnétique, passant rapidement à Tales From The Trash Stratum et des fragments de voix qui s’effritent en granules numériques. Le phénomène se transforme en séquence rythmée qui débouche sur une forêt tropicale et des percussions de bois. Le piano et le dulcimer se succèdent pour approfondir le thème, qui se conclut sur une épaisse strate oscillante au synthétiseur. Answering Machine ouvre sur le thème de I Don’t Love Me Anymore, et s’articule en séquence qui tourne en boucle par-dessus laquelle des messages laissés sur bande magnétique se succèdent. Imago tourne également en boucle sur des échantillons de voix, mais ça s’arrête pour laisser une mélodie au piano réverbérer au loin, déformée par un mouvement de vagues.

Cross Talk IV / Radio Lonelys continue dans les extraits d’émissions radiophoniques et termine en séquence amusante de jeu vidéo. Lost But Never Alone reprend sur un montage de voix échantillonnées et se transforme en balade rock 80s. Shifting commence également en échantillons découpés, et passe ensuite à une boucle mélodique qui tourne autour d’une onde de theremin. Wave Idea retourne à la forêt tropicale, mélangée à des sirènes de bateaux jouées par des instruments à vent, thème qui double de densité avec l’arrivée du synthétiseur bien texturé. Nothing’s Special termine délicatement sur une trame accompagnée de la voix, créant une ligne harmonique très jolie qui joue sur le niveau de dissonance.

Magic laisse une impression de rêve dans lequel les débuts et les fins sont insaisissables, à se demander comment on est arrivé dans telle pièce. L’expérience est évidemment amusante, surtout à la première écoute, mais a tendance à partir en fumée avant d’avoir laissé sa marque. Néanmoins, Lopatin saisit totalement le thème du ruban magnétique et de la diffusion radiophonique, de la technologie vintage avec laquelle on a grandi, et à laquelle on s’est attaché.

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