Critiques

Neil Young & Crazy Horse

Colorado

  • Reprise Records
  • 2019
  • 50 minutes
6,5

« We heard the warning calls, ignored them
We saw the weather change, we saw the fires and floods
We saw the people rise, divided
We fought each other while we lost our coveted prize. »

Green is Blue

Au cours de la dernière décennie, le bon vieux Neil Young nous a présenté des albums qui, somme toute, ont été couci-couça. Une seule exception : Le Noise (2010); disque enregistré et réalisé par Daniel Lanois et seule galette où Young a fait appel à un réalisateur en bonne et due forme. Puisque le doyen âgé de 73 ans n’a plus envie de se regarder le nombril infiniment, il préfère maintenant s’en remettre à son instinct plutôt qu’à un exigeant travail de création. C’est parfaitement son droit. À son âge, vu l’excellence de sa discographie, le Canadien d’origine est entièrement libre de faire ce qu’il veut !

Toutefois, c’est avec ce magnifique véhicule sonore chambranlant qu’est Crazy Horse que le barde nous a toujours offert le meilleur de lui-même. Vendredi dernier paraissait le 39e, le 40e ou le 41e album (on ne les compte plus !) en carrière de Neil Young. Le pionnier du mouvement grunge rameute ses bons amis Nils Lofgren, Billy Talbot et Ralph Molina (tous sont dans la soixantaine avancée) et nous propose Colorado; disque enregistré à Telluride, petit village situé dans l’état du… Colorado ! Quand on vous disait que le papi n’avait plus envie de se casser la tête…

Colorado est un album assez grinçant, exécuté parfois de manière maladroite, qui porte sur l’état écologique lamentable de la planète et sur la folie des hommes; faisant surtout référence à un asservissement constant à des mythes qui perdurent depuis trop longtemps (croissance économique infinie, scepticisme face à un désastre environnemental à venir, etc.)

Sans atteindre les sommets qu’il a déjà conquis avec son « cheval fou » (Rust Never Sleeps, Sleeps with Angels, Zuma, etc.), le père Young ne décolère pas et égratigne juste assez nos oreilles pour demeurer crédible. On ne peut que s’incliner devant autant de détermination, de générosité et d’indignation. Au lieu de rester bien assis sur ses vieilles fesses (comme la vaste majorité d’entre nous), l’homme poursuit sa croisade contre les « bienfaiteurs » de ce monde, coupables de cupidité et d’irresponsabilité crasses.

Musicalement, force est d’admettre que le poids des années se fait sentir pour Neil Young & Crazy Horse. Par moments, la cohésion fait sérieusement défaut. Il s’agit d’écouter attentivement Ralph Molina dans l’épique She Showed Me Love pour se rendre compte que le batteur a sérieusement perdu en efficacité, ce qui influence la vitesse à laquelle les chansons sont jouées. Mais les guitares, elles, sont toujours aussi encrassées et la voix nasillarde/inharmonieuse de Young n’a rien perdu de sa singularité.

Il y a belle lurette que le parolier a délaissé les images poétiques afin d’opter pour une approche littéraire plus concrète. L’homme a envie de se faire comprendre par le plus grand nombre; une intention noble soit, mais qui camoufle inconsciemment un certain mépris quant aux capacités d’attention et de compréhension de ses semblables… ce que Nick Cave a refusé de faire, littérairement parlant, sur Ghosteen.

Neil Young & Crazy Horse sont à leur summum quand les guitares écorchent; l’instinctive et imparfaite She Showed Me Love, la tribale Shut It Down et la menaçante Help Me Lose My Mind se classent parmi les meilleurs morceaux de ce nouvel album. Eternity évoque le Neil Young d’After the Gold Rush et Rainbow of Colors est une émouvante profession de foi pour la sauvegarde de notre planète.

Cette création est sauvée de l’indifférence grâce à la détermination de l’artiste d’en découdre avec la nonchalance environnementale de nos décideurs et avec l’aide de ces cinglantes guitares. D’abord et avant tout, c’est la voix magnifiquement inesthétique du vétéran, reconnaissable entre toutes, qui permet à ce Colorado d’atteindre le seuil de la respectabilité.

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