Critiques

Muse

Simulation Theory

  • Warner Bros. Records
  • 2018
  • 42 minutes
4,5

Il y a trois ans, quand Muse a lancé l’imbuvable et prétentieux Drones, le collègue Stéphane Deslauriers doutait fort qu’un seul collaborateur du Canal se manifeste pour critiquer leur prochain album. Et bien, nous y voici : le trio lance son huitième disque en carrière, Simulation Theory, et je me suis pourtant porté volontaire pour vous en parler! Plaisir coupable? Autoflagellation? Voir la réponse plus bas…

[Avertissement : si vous n’en pouvez plus des références à la culture populaire des années 80, ne lisez pas cette critique, vous en ferez une indigestion…]

Bon, par où commencer? D’abord, le concept. Depuis une dizaine d’années, Muse enrobe ses albums de grandes thématiques empruntées à la littérature, à l’actualité, à la science-fiction, et souvent tout ça à la fois. The Resistance (2009) s’inspirait assez librement du roman 1984 de George Orwell, et se permettait de citer textuellement l’opéra Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns (avec le français massacré de Matt Bellamy) et un nocturne de Chopin. The 2nd Law (2012) se voulait une ode à la lutte aux changements climatiques, avec en prime le ridicule tube Survival, thème officiel des Jeux olympiques d’été de Londres. Quant à Drones (2015), il imaginait un futur où nous serions devenus des drones entraînés pour tuer. Allô la nuance.

Simulation Theory poursuit un peu dans la même veine, avec son titre inspiré d’un concept appelé hypothèse de simulation, qui veut que nous vivions dans une sorte de réalité virtuelle, mais sans être capable de la distinguer. Un genre de gros Truman Show, quoi. Musicalement, Bellamy et ses acolytes (le bassiste Chris Wolstenholme et le batteur Dominic Howard) ont choisi de conjuguer le concept au futur antérieur (j’emprunte délibérément cette formulation à Apple Music) en enrobant la plupart des chansons d’un vernis évoquant les années 80 sous toutes leurs formes.

Ça commence avec la pochette, réalisée par l’artiste britannique Kyle Lambert, qui a travaillé sur la série Stranger Things. Vous remarquerez aussi que la typographie du mot « Theory » reprend celle de l’affiche de Drive, déjà inspirée de celle du film Risky Business, sorti en 1983. Et je ne vous parle pas des vidéos, qui pullulent de clins d’œil à Thriller, Back to the Future, Teen Wolf ou Ghostbusters.

Pour être honnête, ça ne part pas trop mal avec la chanson Algorithm, qui s’ouvre sur des sonorités de synthés pouvant justement rappeler le thème d’ouverture de Stranger Things. S’ensuit une grande montée orchestrale avec cordes et piano d’inspiration romantique, à laquelle vient s’ajouter la voix de Bellamy, dont le vibrato peut agacer, mais rien de catastrophique. On a aussi droit à des chœurs plus intenses que ceux de Bohemian Rhapsody afin de souligner à gros traits le mot « creator ».

The Dark Side s’avère passable elle aussi, malgré le son artificiel de la batterie. Pressure passe encore, même si elle sonne un peu comme une version accélérée de Supermassive Black Hole (de l’album Black Holes and Revelations, 2006). On en est maintenant à trois chansons et on se dit que ce nouveau Muse n’est finalement pas si pire que ça! Malheureusement, c’est après que ça se gâte. Propaganda mêle une voix électronique qui hurle « prop-prop-prop-prop-prop-prop-prop-prop-propaganda » sans cesse, tandis que Bellamy nous livre une imitation du Kiss de Prince. (On reconnaît ici la griffe de Timbaland, crédité comme l’un des producteurs). Break It to Me, elle, sonne comme un mélange entre du Dream Theater et du Nine Inch Nails. Le pire, c’est que le refrain est quand même potable, mais la production signée Rich Costey est si abrutissante qu’il ne reste rien des subtilités de la composition.

La musique de Muse reste encore éminemment référentielle. Dig Down ressemble tellement à Freedom! ’90 de George Michael que c’en est gênant. Quant à Get Up and Fight, le refrain fait penser à Simple Plan, mais j’ose croire que la ressemblance est accidentelle… Le groupe se cite aussi lui-même. Une chanson comme Blockades aurait presque pu aboutir sur le disque Absolution (2003). Ironiquement, c’est ce qui en fait aussi une des meilleures de l’album. Il y a aussi la ballade acoustique Something Human, qui raconte le retour sur Terre d’un astronaute qui a hâte de rentrer chez lui, comme Chris Hadfield et son Space Oddity. C’est quétaine, mais rendu là, on est juste content d’avoir un genre de répit sonore, sans trop d’effets superflus.

Malgré tous ses défauts, Simulation Theory se classe quand même un peu moins bas dans mon estime que le précédent Drones, en grande partie parce qu’il sonne moins prétentieux et dégoulinant de bonne conscience. Mais ça n’en fait pas un bon disque pour autant. Ça reste convenu, conçu pour les stades et Virgin Radio.

Mine de rien, ça va faire dix ans l’an prochain que Muse a sorti son dernier album potable (The Resistance était loin d’être parfait, mais contenait suffisamment de bons titres pour obtenir la note de passage). Mais voilà, je suis quelqu’un de nostalgique et je continue de m’autoflageller de temps en temps avec un nouvel album du trio, ne serait-ce qu’en souvenir des bons moments qu’on a passé ensemble.

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