Critiques

Manchester Orchestra

The Million Masks of God

  • Loma Vista Recordings
  • 2021
  • 46 minutes
7

Manchester Orchestra a connu une sorte de renaissance artistique en 2017. Après quelques albums péchant soit par excès de grandiloquence ou versant dans un rock générique, le groupe a lancé l’excellent A Black Mile to the Surface, plus aérien dans son approche. Puisqu’on ne change pas une formule gagnante, The Million Masks of God poursuit dans la même veine, mais sans atteindre la même grâce.

Le groupe mené par le chanteur-guitariste Andy Hull et son vieux complice Robert McDowell avait flirté avec l’album concept sur A Black Mile to the Surface, qui devait au départ raconter l’histoire d’une rivalité entre deux frères vivant dans une ville minière aux États-Unis. La thématique avait été abandonnée en cours de route, car la formation craignait de s’enfermer dans un cadre trop restreint, mais on voyait déjà poindre l’émergence d’un rock plus cinématographique dans son esprit, avec un penchant folk plus appuyé et l’influence des Fleet Foxes, notamment.

Cette fois, Manchester Orchestra a poussé l’idée jusqu’au bout. Ainsi, The Million Masks of God raconte, en onze tableaux, la rencontre d’un homme avec l’Ange de la mort, qui lui fait revivre une série de moments de son existence. Le concept demeure assez large (et un peu flou), mais permet au groupe d’aborder des enjeux tels la mort, la paternité et la foi, tout en donnant l’impression d’un tout cohérent.

L’album s’ouvre d’une manière somptueuse avec l’excellente Inaudible, qui rappelle incidemment The Maze, première chanson du précédent A Black Mile to the Surface, avec ses riches orchestrations et ses chœurs d’inspiration gospel. La suivante Angel of Death (rien à voir avec la chanson de Slayer!) se veut plus rock et même un peu grunge dans ses textures de guitares, mais sans verser dans le convenu. La façon dont le groupe opère la transition entre la fin atmosphérique d’Inaudible et le début d’Angel of Death est également particulièrement réussie, et contribue à installer cette impression d’une succession de tableaux qui se joue dans nos oreilles.

Malheureusement, la formation d’Atlanta trébuche ensuite avec les chansons Keel Timing et Bed Head, qui donnent dans le rock d’aréna à tendance racoleuse façon Muse. L’intégration de percussions électroniques n’est pas tout à fait réussie, et il en résulte une rupture de ton qui s’insère assez mal dans l’ensemble. En fait, si A Black Mile to the Surface nous a appris une chose, c’est que le quatuor est à son meilleur lorsqu’il met la pédale douce au lieu d’essayer d’en mettre plein la vue.

La deuxième moitié du disque est beaucoup mieux réussie, avec une priorité accordée aux ballades acoustiques cette fois. Le groupe montre aussi une parfaite maîtrise des variations de dynamiques pour donner une dimension épique à sa musique, comme sur les excellentes Dinosaur et Obstacle. La présence à la console d’Ethan Gruska, qui a notamment travaillé sur Punisher de Phoebe Bridgers, n’est certes pas étrangère à ce fin travail au chapitre des textures. La délicate Telepath, avec son jeu de cordes pincées et l’ajout d’un violoncelle, s’avère elle aussi très convaincante.

Au final, The Million Masks of God constitue un ajout très pertinent à la discographie de Manchester Orchestra. Oui, le groupe a parfois tendance à en faire un peu trop, comme s’il voulait forcer l’intensité émotionnelle de sa musique, mais on ne peut nier que c’est efficace. Cela dit, après la belle surprise que représentait A Black Mile to the Surface, on reste avec l’impression que la formation a joué de prudence en reprenant essentiellement la même recette, avec juste un peu moins de puissance.

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