Critiques

Limp Bizkit

Still Sucks

  • Suretone Records
  • 2021
  • 32 minutes
7,5

2021 tire à sa fin et me voilà assis devant mon ordinateur pour rédiger ma première critique d’un album de Limp Bizkit.

Forrest Gump avait raison. La vie, c’est vraiment comme une boîte de chocolats.

J’ai connu Limp Bizkit en 1997, quelques mois après mes amis de Montréal, que je visitais tous les étés depuis quelques années. J’étais déjà fan de Korn et Deftones et pour moi, c’était juste un ajout naturel à cette vague de nouveaux bands agressifs. Ils étaient juste assez niaiseux et baveux pour me plaire. En plus, j’avais déjà eu une phase hip-hop un peu plus tôt et leur son m’a juste fait retomber dans les classiques du début des années 90. Aussi, j’étais très fan du génie de Wes Borland, leur guitariste toujours déguisé et toujours excellent. En y repensant, j’ai probablement passé plus de temps à écouter Three Dollar Bill Y’all$ que n’importe quel autre album en 1998.

Quand Significant Other est sorti, j’étais vraiment déçu de la direction nettement plus radiophonique empruntée. Korn avait sorti Follow The Leader juste avant et tout le monde écoutait désormais une version funky d’un band très dark qui me donnait auparavant l’impression d’exister juste pour moi pis mes drames d’ado. Je ne me sentais pas vraiment spécial devant Fred Durst aux côtés de légions de zezons américains sur la brosse à Woodstock 99 et je suis rapidement devenu un nü metal snob. Pis de toute façon, je trouvais que le nouveau band Slipknot était pas mal plus satisfaisant côté violence.

Les années ont passé, la bande à Fred Durst a sorti plusieurs albums que j’ai ignorés, dont un sans Borland (isschhh). Puis soudainement, c’est devenu chose normale d’être complètement indifférent envers eux. Il aura fallu que je chante plusieurs fois Rollin’ dans un karaoké avec des amis pour réaliser que c’est le fun écouter de la musique de manière ironique des fois.

C’est avec cette même attitude qu’il faut entreprendre l’écoute d’un album de Limp Bizkit en 2021. Mais ce qui est le fun, c’est que le groupe assume plus que jamais son côté très fromagé. Fred Durst est un fin stratège. Il a délibérément laissé le temps passer avant d’entreprendre cette nouvelle phase « middle-aged » de son groupe. Contrairement au passage d’Anik Jean à l’émission de Mononc Lepage, tout le monde a parlé du look de Fred à Lollapalooza 2021 et il a profité de ce gimmick vraiment niaiseux pour finalement sortir un premier album en 10 ans, alors que le nom du groupe rebondit dans les médias autant qu’en 1999.

Doit-on affirmer d’emblée qu’ils vont réussir à remonter au sommet? Probablement que non. Mais il reste qu’on passe quand même un sacré bon moment avec le 6e album de la formation. En plus, tout le monde est au sommet de sa forme et semble s’éclater autant que le boss grisonnant. L’arrogance d’antan est encore présente, mais passe beaucoup mieux sous le couvert de l’humour. Je pense surtout à Love the Hate quand j’évoque l’humour de l’album. C’est une chanson déployée sous forme de discussion entre deux types qui se félicitent de détester Limp Bizkit jusqu’à ce qu’un des deux échappe qu’il aimait vraiment ça quand il était jeune et que l’autre veuille lui taper sur la gueule. « Joke’s on you! » comme dit Fred. Sinon, la dernière pièce, Goodbye, sonne exactement comme une chanson de boys band du début des années 2000. À un point tel que j’avais le goût de pitcher mon téléphone dans le mur. Je l’ai pas fait parce que je sais très bien que c’est l’effet recherché avec ce pied de nez aux fans qui trouvent le groupe trop commercial.

Pour le reste, Still Sucks est un disque très court qui tire dans toutes les directions et s’écoute comme on mange un sac de Party Mix de format Halloween volé à son enfant. Dans la catégorie des crottes au fromage extra-cheese, on retrouve la reprise acoustique du poussiéreux Don’t Change d’INXS, qui va sûrement se retrouver à la radio parce que la recette a déjà été éprouvée, right? Sinon, Pill Popper évoque les assauts métal industriel du Ministry des années 2000, You Bring Out the Worst In Me plane au-dessus du spectre sonore des Deftones et Barnacles est une tentative grunge plutôt divertissante. Bref, puisque les membres du groupe assument eux-mêmes que ce qu’ils font c’est n’importe quoi, ils peuvent se permettre de nous offrir une sélection aussi variée après 10 ans. Reste, que c’est quand Limp Bizkit fait du Limp Bizkit que c’est le plus amusant, comme sur les 4 premières chansons et Snacky Poo en fin de parcours. Le seul petit bémol : la dramatique Empty Hole et ses échos d’Alice in Chains.

Après 32 minutes, on se surprend à penser qu’on en aurait pris plus. Voilà un disque qui se retrouve clairement dans les plus grosses surprises de 2021.