Critiques

Kiwi Jr.

Cooler Returns

  • Sub Pop Records
  • 2021
  • 37 minutes
7,5

La recette paraît toute simple : des refrains accrocheurs, des guitares saccadées et une voix nonchalante à la Stephen Malkmus. Non, les quatre gars de Kiwi Jr. n’ont rien inventé, mais leur talent pour les tournures efficaces et leurs paroles un peu absurdes les rendent éminemment sympathiques. Il en résulte Cooler Returns, un album tout indiqué pour vaincre la grisaille en ces temps de déprime collective.

Natifs de l’Île-du-Prince-Édouard, mais aujourd’hui installés à Toronto, les membres de Kiwi Jr. ont fait paraître un premier album au printemps 2019. Intitulé Football Money, celui-ci est passé un peu inaperçu malgré ses qualités jusqu’à ce que Pitchfork en publie une critique fort élogieuse… dix mois après sa sortie. Le buzz a été assez fort pour que le réputé label Sub Pop s’intéresse à la formation et en fasse sa nouvelle recrue au mois de septembre dernier, à temps pour la sortie du simple Undecided Voters, au refrain aussi addictif que son vidéoclip plein d’humour.

Football Money possédait déjà tous les ingrédients nécessaires à la fabrication d’un bon disque d’indie rock, à la fois échevelé et sans prétention. Le chanteur-guitariste Jeremy Gaudet y racontait avec beaucoup d’acuité et d’autodérision les travers de sa ville d’adoption et les difficultés de s’adapter à la vie dans la métropole canadienne quand on vient de la patrie d’Anne… La maison aux pignons verts.

Si l’influence de Pavement était immanquable sur Football Money, elle se fait un peu moins sentir sur Cooler Returns, ce qui permet à Kiwi Jr. d’élargir sa palette sonore et d’offrir un rock, oui, référentiel, mais qui ne se perd pas dans le mimétisme. Bien sûr, la voix de Gaudet évoque encore le style de Malkmus, mais l’enrobage musical est plus distinctif, comme si la formation avait gagné en assurance.

Cette plus grande confiance se ressent d’abord et avant tout dans l’écriture. Les riffs sonnent parfois un peu familiers, mais le groupe arrive presque toujours à trouver une accroche particulière qui donne à ses chansons un petit quelque chose de surprenant. Cela tient parfois à de subtils changements dans l’instrumentation (l’harmonica dans Maid Marian’s Toast; le solo à deux guitares dans la chanson-titre) ou à des cassures de tempo assez inattendues (l’excellente Omaha; Waiting in Line).

L’influence de Pavement est encore perceptible, bien sûr, notamment sur l’excellente Tyler, qui ouvre le bal d’une brillante façon. Les amateurs de Parquet Courts seront également en territoire connu, même si en général, la musique de Kiwi Jr. intègre davantage d’éléments issus du répertoire canonique des années 60 et 70, du country-folk à la Neil Young (Only Here for a Haircut) aux groupes de la British Invasion, en particulier les Kinks ou les Rolling Stones (Guilty Party; Dodger).

Les textes sont à la fois drôles, absurdes et intelligents. Le groupe offre d’ailleurs un condensé de l’actualité de 2020 en 13 chansons, avec des clins d’œil au confinement, aux théories du complot (« il n’y a aucune preuve que Woodstock soit vraiment arrivé! », lance Gaudet sur Omaha) et aux élections-spectacles. Gaudet est aussi un expert du name-dropping, multipliant les références à la culture pop, du Super Bowl à Marilyn Monroe à Ella Fitzgerald en passant par Jack l’Éventreur.

Cooler Returns est un album sans temps mort et dont les ritournelles sympathiques promettent de vous rendre le sourire en ces temps incertains. Non, ce n’est pas ce qui va sauver le rock (est-ce même encore possible?), mais c’est redoutablement efficace. Je ne sais pas trop pour vous, mais moi, ça me suffit amplement…

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