Kendrick Lamar
GNX
- Interscope Records / PGLang
- 2024
- 44 minutes
C’est une grosse année pour Kendrick Lamar. Après la rixe très médiatisée avec Drake, il a frappé un coup de circuit avec la pièce Not Like Us. Est-ce la première fois qu’une diss track se retrouve à la tête des palmarès? En tout cas, ce fut certainement une des rares fois. Puis, vendredi le 22 novembre, Kendrick Lamar a partagé un vidéo en ligne qui est devenu viral environ 30 minutes avant de lancer sans crier gare GNX.
GNX est la marque de voiture dans laquelle il est rentré de l’hôpital lorsqu’il venait de naître et c’est aussi le titre du premier album entièrement indépendant de Kendrick Lamar. Comme avec lui, il n’y a jamais d’accidents, on peut y voir un message : GNX est la deuxième naissance de Kendrick Lamar. Après avoir évolué à l’intérieur de Top Dawg Entertainment, voici qu’il quitte pour voler de ses propres ailes. Avec l’attrait de Kendrick Lamar, il peut (et est l’un des rares artistes à pouvoir le faire) négocier avec les majors pour qu’eux se plient à ses demandes. Faire plier la machine capitaliste. Pour un rappeur de Compton. Y a-t-il un plus bel exemple de Poetic Justice?
Lamar a préparé sa sortie et le clip de Not Like Us en juillet alors que les premiers vers de squabble up apparaissait avant que le clown parte la pièce si fameuse maintenant. La pièce offre un bon exemple de ce qu’on entend sur GNX. Sur celle-ci, on retrouve les réalisateurs Kendrick Lamar, Scott Bridgeway, Jack Antonoff, Sounwave et Matthew « MTech » Bernard. La pièce est colorée par du G-Funk et du rap de la côte Ouest, comme l’ensemble de l’album. Ça donne le ton.
wacced out murals aussi frappe. La pièce qui ouvre GNX semble poursuivre le chemin tracé par Not Like Us alors que Kendrick Lamar se fait plus acerbe :
Now I’m possessed by a spirit and they can’t take it
Used to bump Tha Carter III, I held my Rollie chain proud
Irony, I think my hard work let Lil Wayne down
Whatever, though, call me crazy, everybody questionable
Turn me to an eskimo, I drew the line and decimals
Snoop posted « Taylor Made, » I prayed it was the edibles
I couldn’t believe it, it was only right for me to let it go
Won the Super Bowl and Nas the only one congratulate me
All these niggas agitated, I’m just glad they showin’ they faces
Quite frankly, plenty artists, but they outdated
— wacced out murals
Ce n’est pas anodin de voir Kendrick Lamar tiré de boulets de canon du côté de Snoop Dogg, alors que Lamar se place en fils spirituel de 2Pac. Depuis, Snoop Dogg a confirmé que c’était la faute des produits infusés au pot. Mais bon, on peut dire que ça brasse en Californie. Plusieurs rappeurs viennent collaborer à GNX ici et là, mais SZA, elle, participe à deux pièces : la mélodieuse luther et la groovy gloria qui termine l’album.
Contrairement à Pitchfork qui a déclaré que la pièce était inécoutable, reincarnated est un point intéressant de l’album avec son approche agressive qui se transforme avec une discussion entre dieu et Kendrick Lamar, ce qui n’est pas la première fois qu’il utilise ce genre de procédé. C’était le cas sur Mortal Man alors qu’il avait mis en scène une discussion avec Tupac Shakur. Ici, il s’occupe des deux côtés de la conversation.
On peut dire que l’orgueil de Kendrick Lamar est tout de même très présent sur GNX et cela repousse à l’arrière-plan les réflexions sur ses contemporains. Sur man at the garden, une autre référence à Mortal Man ici, il se retrouve dans une situation où il clame que tout ce qu’il a gagné, il le mérite. D’un autre côté, c’est aussi une affirmation du chemin parcouru et des obstacles qu’il a surmontés pour arriver là où il est aujourd’hui.
Au passage, Kendrick Lamar aura eu le temps de créer un mème avec « Mustard » sur tv off. C’est l’importance que le rappeur a maintenant dans la culture américaine. À peine 6 heures après la sortie de son album, des corporations grand public comme McDonald sont déjà en train de vouloir s’acoquiner avec le rappeur. Si ça, ce n’est pas de l’influence, je ne sais pas c’est quoi. Au passage, la pièce est aussi excellente.
Au final, c’est un solide album avec de bons bangers qui n’a peut-être pas le niveau de génie de To Pimp a Butterfly, DAMN. ou de Mr. Morale & the Big Steppers, mais même dans un concept plus simple et direct, Kendrick Lamar démontre son incroyable capacité à jouer avec les flows et sa plume aiguisée.