Jonathan Personne
Disparitions
- Michel Records
- 2020
- 41 minutes
Jonathan Robert, le génie derrière Jonathan Personne, est l’un de ces artistes introvertis qui saisit par la sensibilité de sa poésie. Ce second opus constitue une oeuvre musicale enivrante, mélancolique et accomplie sur fond de fin du monde et de western spaghetti. Disparitions surclasse Histoire naturelle, disque paru en février 2019, tout en restant fidèle à son identité sonore planante et textuelle. Il s’y trouve de la douceur comme jamais auparavant.
L’illustrateur, réalisateur vidéo, musicien et chanteur (on est un bourreau de travail, ou on ne l’est pas) réussit ce tour de force avec l’aide de ses précieux amis musiciens Emmanuel Éthier (Chocolat, Jimmy Hunt, Ponctuation) à la réalisation et Guillaume Chiasson (Ponctuation, Jesuslesfilles) au son. Robert a également pu compter sur Naomie DeLorimier (Laurence-Anne, N Nao), Julian Perreault (Corridor), Samuel Gougoux (Victime, TDA) et Mathieu Cloutier.
Disparitions est donc le deuxième album de Jonathan Personne — l’alter ego de Jonathan Robert, aussi membre de la formation Corridor — qui voit le jour aujourd’hui via l’étiquette montréalaise Michel Records. Malgré que leur opus Junior soit paru il n’y pas un an encore, détrompez-vous, car il ne s’agit pas d’un remâché: on se trouve sur un territoire musical rock sudiste. Certes, les progressions d’accords et les rythmes en contre temps ne sont pas un hasard. Toutefois, il y a ici une formule gagnante, un son caractéristique qu’il est impossible de dissocier de Jonathan Personne.
Sans prendre davantage de détours, les raisons pour lesquelles il FAUT écouter cet album sont au nombre de trois.
Musicalement, de l’ouverture à la fermeture du disque, tout s’imbrique parfaitement en profitant bien des momentums. On y retrouve de magnifiques harmonies vocales — l’homme est un chanteur exceptionnel. Les sonorités noise et krautrock viennent côtoyer des guitares dissonantes à la Velvet Underground ainsi qu’une pop indé qui rappelle Fleet Foxes par moments.
On a aussi droit à de jolies ambiances naturelles grâce à des guitares acoustiques, des flûtes et les oiseaux de Naomie. Des échantillons de bruits et des synthétiseurs s’invitent parfois ici et là. Il faut souligner que les esprits de compositeurs italiens tels Ennio Morricone, Luis Bacalov ou Riziero Ortolani sont incantés tout au long de l’album, ce qui transporte l’auditeur dans un scénario western épique.
Puis, écoutons la qualité des thèmes exploités pour cet album quasi concept. Ils me font croire encore en la musique. L’aventure, la fin du monde, l’inconnu, la solitude, l’attente, le deuil, l’amour perdu. Comme quoi, c’est possible de pondre des textes imagés, et en français, de construire une histoire et d’y apposer une trame sonore parfaite, ce que peu d’artistes contemporains réussissent. Les mots ont été, semble-t-il, écrits lors de sa tournée pour Junior en automne, contrairement à ceux d’Histoire naturelle, qu’il accumulait depuis environ quatre ans.
Enfin, notons la beauté de la plume de Robert. Mes yeux se mouillent inévitablement au contact des mots de la pièce Grand Soleil. Suis-je trop émotive? Peut-être.
« Par la fenêtre, un décor étranger, une plage devenue déserte, un soleil qui ne pourra rien changer, une parenthèse que l’on referme.
– Grand Soleil
Ce temps-là, je l’aurais partagé avec toi. »
Ou encore l’écriture tourmentée de la solennelle pièce éponyme.
« Sans laisser de mot sur la table. Sans laisser d’au revoir.
– Disparitions
Le souvenir est vague, plus vague qu’avant.
Entremêlés sous les arbres, leurs vieux os disparus. Les plaies se font brèves, plus brèves qu’avant.
[…] Et soudain le calme. Les gens que tu aimes disparaissent devant toi. »
Si Disparitions annonce la direction vers laquelle Jonathan Personne ira au cours des prochaines années, je suis plus qu’impatiente d’en entendre plus.