Critiques

Jenny Hval

The Practice of Love

  • Sacred Bones Records
  • 2019
  • 34 minutes
8
Le meilleur de lca

Si vous vous demandez qui est Jenny Hval, c’est l’autrice d’un excellent album concept sur les vampires et les menstruations, entre autres choses. C’est dit de manière assez loufoque, mais la Norvégienne a atteint un sommet artistique avec Blood Bitch, qui aborde l’expérience féminine d’une manière complètement lucide et originale (lire la critique de Stéphane Deslauriers à cet égard). Trois ans et un EP plus tard, Jenny Hval renaît avec The Practice of Love, une autre œuvre obsédante qui amène sa pop expérimentale dans de nouvelles contrées.

Après avoir erré librement sur son EP The Long Sleep, Hval revient à une formule plus efficace. The Practice of Love se divise en huit pièces de forme et d’intensité variables qui composent une fresque sur l’amour, l’identité féminine et l’existence. Dans la pièce-titre, la collaboratrice Vivian Wang récite un texte où Hval explique être dérangée par le mot « amour » en norvégien pour ensuite développer une réflexion spontanée. Une deuxième voix, tirée d’une entrevue donnée par Jenny Hval, partage une angoisse de l’artiste sur la procréation :

« Becoming someone who’s in their late 30s that doesn’t have a child, it’s like, I have to accept that I’m part of this human ecosystem, um, but I’m not the princess and I’m not the main character? »

The Practice of Love

Cette superposition déstabilisante de réflexions flottantes résume assez bien l’essence de l’album. Les textes sont fugaces, évocateurs et surtout indissociables de la musique. Comme deux systèmes d’un organisme, leur combinaison donne vie à l’état d’esprit obsédé de l’artiste. Entre spoken word et synthpop, l’ensemble est une méditation hors du temps qui nous immerge à la manière d’une installation d’art contemporain.

Tout comme Blood Bitch, The Practice of Love possède un aspect cinématographique très particulier qui rappelle tantôt Grimes, tantôt Julia Holter, mais qui crée un effet proprement « Jenny Hval ». Voix angéliques et synthétiseurs vaporeux sont encore au rendez-vous, mais cette fois-ci, elles hypnotisent davantage qu’elles inquiètent. Plusieurs des titres sont construits sur des grooves trance, qui fusionnés avec les voix et synthés éthérés, donnent l’impression d’un rave dans l’au-delà. Ashes to Ashes, High Alice et Six Red Cannas, où Hval exprime son angoisse sur le passage du temps sur un rythme techno urgent, sont autant de morceaux sublimement étourdissants.

The Practice of Love est un album riche malgré sa légèreté apparente. Il s’apprécie à différents degrés, autant par ses rythmes endiablés que par la beauté saisissante de ses textes lors des moments contemplatifs. Soulignons l’apport des voix de Vivian Wang, Laura Jean et Félicia Atkinson qui donnent à l’œuvre sa sensation céleste. En réalisant une œuvre expérimentale aussi invitante, Jenny Hval montre encore une fois l’étendue de son talent.

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