Jack White
Entering Heaven Alive
- Third Man Records
- 2022
- 40 minutes
Au printemps dernier, Jack White nous présentait le premier de deux longs formats à paraître cette année. Intitulé Fear of the Dawn, ce disque décoiffant et hyperactif est une démonstration exceptionnelle de l’immense talent qui habite le Willy Wonka du rock, lui qui arbore maintenant une chevelure bleutée. Sur cet album, la virtuosité et l’éclectisme étalés par le musicien peuvent parfois donner le tournis à certains mélomanes plus « sensibles », mais force est d’admettre que White a réussi à resserrer juste assez ses chansons pour ne pas nous égarer.
La semaine dernière, comme prévu, le bon Jack nous présentait la deuxième partie de son diptyque. Lui aussi enregistré tout au long de l’année dernière, Entrering Heaven Alive est le penchant plus traditionaliste de la musique de John Anthony Gillis, de son vrai nom.
Les admirateurs du Détroitien d’origine ne seront absolument pas déroutés tant ce qui est proposé sur cet album aurait pu paraître sur les albums Lazaretto (2014) et Blunderbuss (2012). Ceux qui suivent la trajectoire de White depuis ses débuts connaissent parfaitement l’amour passionnel que le musicien porte à la musique traditionnelle américaine. L’ensemble de sa carrière solo a majoritairement été consacré à une relecture de tous les genres musicaux qui ont défini la tradition musicale états-unienne. Donc, Entrering Heaven Alive ne contient aucune surprise sonore contrairement à son prédécesseur.
Or, ce qui différencie ce disque des albums qui ont été mentionnés au paragraphe précédent, c’est sans aucun doute la sincérité littéraire affichée par White. Dans l’introductive A Tip from You to Me, l’auteur émet sans aucune réserve sa conception personnelle de la liberté… qui étonnamment rejoint celle de votre humble scribe.
Ask yourself if you are happy and then you cease to be
That’s a tip from you to me
And it’s worked for sure
I don’t ask myself for nothing anymoreMy peace is freedom from the masses
– A Tip from You to Me
‘Cause the masses cannot see
That’s a tip from them to me
And now I know for sure
I don’t need nobody’s help now anymore
Dans l’émouvante If I Die Tomorrow, le rockeur réfléchit à sa mort en espérant que tout l’amour qu’il a reçu dans son existence soit bien renvoyé aux personnes qui l’ont aimé profondément.
If I die tomorrow
– If I Die Tomorrow
Will you let me know I left in peace?
I begged and I borrowed everybody’s love, and they gave for free
And I wish that I could give it back to them
So if I die tomorrow
Will you give them all the love they lent to me?
Cela dit, malgré toutes ses nobles intentions, Entering Heaven Alive fait office de complément à Fear of the Dawn, rien de plus, rien de moins. Avec les sorties de ces deux créations en moins de six mois, White a au moins eu l’intelligence d’offrir à ses fans les deux revers de sa médaille créative : le rock tapageur, délirant et foisonnant avec Fear of the Dawn et les habituelles plongées dans le traditionalisme qu’il nous a toujours proposé avec Entering Heaven Alive.
Puisque le talent lui sort par les oreilles, White nous présente quelques chansons fort valables. On pense à Robert Plant et Jimmy Page sur Love Is Selfish. Help Me Along contient quelques clins d’œil beatlesques. Dans Please God, Don’t Tell Anymore, il s’inspire de l’incontournable Dylan. Les orchestrations dans If I Die Tomorrow pourraient faire sourire les connaisseurs de l’œuvre de Lee Hazelwood. Et pour l’une des rares fois dans sa carrière, White tente une incursion dans le jazz avec I’ve Got You Surrounded.
Entering Heaven Alive, sans être un mauvais disque, tant s’en faut, n’est pas un long format essentiel de White à avoir dans sa collection. Toutefois, ce cycle de création est quand même l’un des plus intéressants de la carrière solo du musicien, car il nous dévoile en toute transparence ce qu’il l’obsède aujourd’hui à l’âge de 47 ans : la mort et le pouvoir apaisant du moment présent.
Des « obsessions » partagées par l’auteur de ces lignes.