Critiques

Interpol

The Other Side of Make-Believe

  • Matador Records
  • 2022
  • 46 minutes
4

La formation new-yorkaise menée par Paul Banks (basse, voix), et désormais complétée par Daniel Kessler (guitare) et Samuel Fogarino (batterie), peine à retrouver son élan des beaux jours. En fait, cette anémie créative persiste depuis la parution d’Our Love to Admire (2007). Il y a bien eu un léger sursaut d’énergie avec la sortie de El Pintor (2014), mais le quelconque Marauder (2018) est venu quelque peu jouer le rôle de rabat-joie.

Voilà donc qu’Interpol récidive avec un nouveau long format, son 7e en carrière, intitulé The Other Side of Make-Believe dont la gestation remonte au début de l’année 2020, tout juste avant l’avènement de cette pandémie qui a la couenne dure.

Contraint de collaborer à distance, le trio s’est échangé pendant plusieurs mois quelques pistes d’enregistrement. Celles-ci ont été triées et remaniées lors de séances de travail « en présentiel » dans une maison située dans les montagnes Catskills, situées dans l’état de New York. L’ensemble du boulot fut achevé dans le nord de Londres sous la férule du réputé réalisateur Mark Ellis, alias Flood (U2, PJ Harvey, Depeche Mode, etc.). Le mixage, lui, a été confié à un proche collaborateur du réalisateur, le tout aussi réputé Alan Moulder (Beach House, Nine Inch Nails, Queens of the Stone Age, etc.).

Aux dires de Banks lui-même, The Other Side of Make-Believe serait une ode à la résilience mentale. Dans le communiqué de presse remis par la maison de disques Matador Records, le meneur d’Interpol précise sa pensée: « I feel like the slipperiness of reality and being willing to get violent on the basis of a factual disagreement, has had a super strenuous effect of the psyche of everyone in the world ». On ne saurait mieux dire…

C’est dans la conclusive Go Easy (Palermo) que ce courage face à l’adversité s’exprime de manière manifeste alors que Banks termine l’album sur une note optimiste, chose rare chez Interpol :

I’ll keep pushing forward

All the obstacles in my way

Have been falling

– Go Easy (Palermo)

Malgré l’immense respect que l’on a pour cette démarche dite « résiliente », Interpol peine à faire concorder ses intentions avec une musique réellement intense et sentie. Réunissant une vaste majorité de chansons à tempo moyen ne contenant aucun « hook », mais surtout aucune mélodie mémorable, le groupe a opté pour mettre en valeur ses habituels motifs identitaires plutôt que de s’affairer à écrire de vraies bonnes chansons. Même si les sonorités coutumières de la formation sont, par moments, remises en cause par un son d’ensemble plus brut et des percussions métalliques, il n’y a plus rien d’excitant à écouter un album d’Interpol.

Trop longtemps, la formation a eu droit à une certaine clémence la part de la presse musicale. Or, cette fois-ci, avec The Other Side of Make-Believe, cette indulgence n’a plus sa raison d’être. Dans cette énième tentative de renouveler son art, Interpol a simplement démonté et reconditionné les traits stylistiques qui rendaient le groupe différent de ses semblables… il y a vingt ans ! Le maquillage s’est affadi depuis trop longtemps laissant voir un groupe qui n’est plus que l’ombre de lui-même.

Il y a bien les pièces introductives titrées Toni et Fables — avec son refrain un brin frémissant — qui ont attiré notre attention, mais l’ambiance confuse et linéaire qui caractérise cet album ont plombé sérieusement notre appréciation.

En fait, le problème chez Interpol, c’est qu’il n’y a plus de chansons. Seul le décor tient debout, et encore…

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