Critiques

Interpol

Marauder

  • Matador Records
  • 2018
  • 45 minutes
6,5

Interpol est une formation que plusieurs fines bouches se plaisent à snober. D’autres, au contraire, n’y voient que du feu, encensant le désormais trio à chacune de leur sortie de disque ! Il faut avouer que ce qui mine l’appréciation du groupe est cette inconstance dont Interpol a souvent fait preuve au cours de sa carrière. Exemple : l’album éponyme paru en 2010 était d’une inutilité sans nom et El Pintor (2014) était un retour en force qui a redonné espoir à tous ceux qui croyaient encore au talent de la bande menée par Paul Banks.

Aujourd’hui, Interpol est de retour avec une nouvelle production : Marauder. Première chose qui étonne ? Le trio a confié la réalisation à une oreille extérieure, en l’occurrence le respecté Dave Fridmann (The Flaming Lips, MGMT, Mercury Rev, etc.). Après cinq albums, Interpol devait prendre quelques risques, eux qui avaient l’habitude de réaliser leurs créations.

Évidemment, la réalisation de Fridmann modifie grandement le son d’ensemble, même si les mélodies et les structures sont usuelles. J’en connais un petit bout sur le travail du réalisateur. Avec des groupes aux accents psychédéliques, ça fonctionne toujours très bien. Avec Interpol ? Un peu moins. Premier constat : la basse – partie importante du son de la formation – disparaît au profit d’un bouillon de guitares qui, aux premières écoutes, étouffent les mélodies de Banks. Du Fridmann pur jus.

Au fil des auditions, les chansons se dévoilent, les mélodies s’illuminent et on s’acclimate au changement, mais… Marauder n’atteint pas les standards de son prédécesseur, El Pintor. Ce n’est pas un échec retentissant, mais la force de frappe habituelle du groupe est diminuée. Sous la férule de Fridmann, la mixture inventive des guitares, inspirée fortement de la formation culte The Chameleons UK, devient pratiquement inexistante.

Cela dit, cette création contient assez de bonnes chansons pour obtenir la note de passage. Les meilleures ? L’extrait The Rover, l’émouvante Flight of Fancy, la quasi dansante Mountain Child, le petit penchant à la The National entendu dans NYSMAW et la conclusive It Probably Matters.

Je serai bon joueur. Interpol aurait dû mourir de sa belle mort depuis belle lurette. Le soubresaut El Pintor a permis au groupe de garder la tête hors de l’eau. Même constat pour Marauder. Ce disque est correct et aurait pu se bonifier avec un choix de réalisateur plus judicieux. Le mariage Fridmann / Interpol n’obtient pas les résultats escomptés même si les chansons sont au rendez-vous.

L’importance du « réal »…