Critiques

Iceage

Beyondless

  • Matador Records
  • 2018
  • 40 minutes
8
Le meilleur de lca

Iggy Pop a semble-t-il déjà déclaré ceci au sujet de cet excellent groupe danois : « Voilà le seul groupe punk contemporain à sonner vraiment dangereux ». Le bon vieux Iggy exagère un peu quand même. Des groupes comme Idles, ou encore USA Nails, sont plus décoiffants qu’Iceage. Et il faut l’admettre. Iceage est beaucoup plus rock que punk. Cela dit, la bande menée par le chanteur Elias Bender Rønnenfelt est immensément intéressante.

Après le très punk New Brigade (2011) et l’excellent You’re Nothing (2013), le quatuor nous proposait Plowing Into the Field of Love, l’un des meilleurs albums rock de 2014. L’influence manifeste des Bad Seeds et le thème central de ce disque — les relations amoureuses dysfonctionnelles — ont permis à Iceage de crédibiliser leur approche musicale.

C’est en ce vendredi « grisonnant » de mai que paraît le 4e album studio du groupe intitulé Beyondless. Enregistrée à Göteborg (ville portuaire suédoise) et mixée à Seattle, cette nouvelle production voit les Danois repousser leurs propres limites, sans nécessairement se réinventer. Les chansons sont plus longues en durée et plus ambitieuses. Cordes, cuivres, claviers et percussions inventives viennent bonifier le rock brouillon de la formation. Le petit penchant punk est toujours présent, les rythmes martiaux sont inchangés, la voix inharmonieuse et le ton cynique de Rønnenfelt sont intacts. Avec cette nouvelle création, Iceage passe définitivement à l’âge adulte, et ce, sans devenir pépère.

La grande force de ce groupe réside dans cette capacité à bien amalgamer toutes leurs influences. Là où les amateurs empruntent, les professionnels, eux, volent et savent camoufler intelligemment leurs ascendants. Bien sûr, Iceage fait partie de la deuxième catégorie. Les fans de Nick Cave, des Stooges et de la formation punk-blues The Gun Club ne seront pas dupes. Malgré la ressemblance manifeste avec tous ces artistes, ils sauront reconnaître l’indéniable talent de « songwriters » qui habite ce groupe.

Beyondless est moins immédiat que le précédent effort, mais au fil des écoutes, l’impression de « lendemain de brosse » et de confusion qui se dégage de prime abord, fera place à un émerveillement assuré, tant les arrangements proposés sont subtils et positionnés à des moments opportuns. Je pense aux cuivres dans Pain Killer — pièce mettant en vedette la chanteuse pop Sky Ferreira — et aux discrètes orchestrations de cordes dans Take it All; chanson aussi raffinée qu’abrasive.

Parmi les autres pièces dignes de mention ? La country-punk Thieves Like Us, le clin d’œil chambranlant à la musique de Kurt Weill intitulé judicieusement Showtime et l’extrait Catch It, magnifique mixture des univers du père Cave et des Stooges, font partie des joyaux de ce disque.

Ceux qui me lisent régulièrement savent que je suis un indéfectible rockeur. En dérision, je me surnomme moi-même le « vieux punk ». Depuis quelques années, le rock, en tant que porte-étendard d’une jeunesse rebelle et contestataire, est carrément mort et enterré. Néanmoins, quand j’écoute attentivement la musique de Iceage, je me surprends à penser que le rock n’a peut-être pas dit ses derniers mots. Peut-être…

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