Critiques

Green Day

Saviors

  • Reprise Records
  • 2024
  • 46 minutes
6,5

La nostalgie emo-pop punk fait des ravages depuis quelque temps. Après le festival When We Were Young et les retours lucratifs d’Avril Lavigne, de Blink-182 avec Tom Delonge et de MCR, nous vivons une véritable résurgence du genre. Aujourd’hui, c’est au tour du groupe le plus populaire de la scène de jeter son chapeau dans le ring. Même s’ils n’étaient jamais partis, les vétérans de Green Day ont connu, ces dernières années, une baisse d’appréciation critique assez notable. Uno, Dos, Tre, Revolution Radio et Father of All Motherfuckers ont été classés comme les 5 pires albums de la formation dans notre récent top. Est-ce que ce Saviors va venir sauver le groupe du naufrage créatif?

Pour répondre franchement: il y a résolument une amélioration, mais nous sommes encore loin d’arriver aux sommets d’American Idiot ou de Dookie. Certains diront que c’est injuste de comparer avec ces deux monuments, mais c’est ce que fait Billie Joe dans ses entrevues de promotion, donc nous allons nous le permettre. Si on avait à comparer Saviors avec une autre offrande du groupe, ce serait plus à Warning dans ses moments les plus faibles et à Nimrod dans ses fulgurances.

Le disque démarre avec le premier simple sortie : The American Dream Is Killing Me. Cette chanson est à l’image de ce qu’est cet album: une mélodie accrocheuse, des guitares à l’avant plan et des paroles qui oscillent entre « cringes » et étonnants moments de bravoure.

Don’t want no huddled masses
TikTok and taxes
Under the overpass
Sleeping in broken glass

We are not well
Are we not well?
Cracked up into the wild
We’re pedophiles for the American Dream

The American Dream Is Killing Me

On roule des yeux à quelques reprises, mais le sens de la mélodie de Billie et sa bande est tellement fort que, dans la majorité des cas, ça passe. La chanson suivante, Look Ma, No Brains!, en est le parfait exemple. Dans cette critique du culte de la stupidité sous enrobage punk à la Insomniac, Green Day nous offre une de ses pièces les plus accrocheuses des dernières années. Il en va de même pour Bobby Sox, probablement l’essai le plus réussi de la formation à mélanger punk et chanson des 60’s. Le mélange des paroles et de la mélodie très bubblegum pop et des cris intenses de Billie Joe ne parlera pas à tout le monde, mais ça parle à l’auteur de ces lignes.

On passera rapidement sur One Eyed Bastard et son interpolation bizarre du riff de So What de Pink en disant simplement que c’est probablement la piste la plus faible de la première moitié du long jeu. Du rock générique et oubliable. Dilemma, par contre, est résolument la pièce maîtresse de Saviors. Sur cette chanson, Billie Joe parle sans métaphore et en parfaite honnêteté de sa dépendance à l’alcool et ça fonctionne. On sent sa vulnérabilité et l’accompagnement à mi-chemin entre pop punk et grunge fait bien ressortir son émotion.

Welcome to my nightmare
Where dreams go to disappear
Sit around in rehab
Feeling like a lab rat

Strange days are here again
And it’s getting weirder
Here’s to all my problems
I just want to drink the poison

Dilemma

Ce thème se retrouve aussi sur Goodnight Adeline qui suit l’efficace Kerplunk-esque 1981 dont on avait eu un aperçu en primeur mondiale au FEQ l’été dernier. La première moitié se conclut avec la très énergique Coma City qui fera assurément danser les foules en concert lors de la prochaine tournée. Ça ne réinvente rien, mais c’est une petite pépite pop punk qui fait très bien le travail. Si le disque se terminait ici, on pourrait dire que Green Day nous offre un de ses meilleurs projets en carrière. Malheureusement, il continue…

Corvette Summer est difficile à comprendre et à expliquer. Après un retour aux sources honnête et efficace, le groupe décide de nous servir un morceau de classic rock avec de la cloche à vache générique et insipide à la Bon Jovi. Pourquoi Billie? Tu étais si bien parti. Sans tomber aussi bas, Suzie Chapstick ne vole pas bien haut non plus et ses ba ba ba répétitifs ne marqueront pas beaucoup les esprits.

On a un petit regain d’intérêt pour Strange Days Are Hero to Stay qui rappelle les belles heures d’American Idiot. Autant au niveau de la construction de la pièce que des paroles, cette piste a le potentiel de devenir une des préférés des fans un peu à la Letterbomb.

Strange days are here to stay
Ever since Bowie died, it hasn’t been the same
All the madmen going mental
Grandma’s on the fentanyl now
Strange days are here to stay

Strange Days Are Hero to Stay

Living in the ’20s est dans la même veine avec sa critique de la société, mais sera rapidement datée et sûrement laissée de côté dans les prochaines années. C’est le problème de référencer des éléments trop actuels comme les murder hornets ou les feux de forêt dans le Colorado, ça fait 3 ans et ça commence déjà à quitter nos mémoires. Father to a Son arrive ensuite avec une approche complètement inversée. Pour certains, ce sera le Good Riddance ou le Wake me Up When September Ends du projet. C’est-à-dire une ballade personnelle sur fond de guitares acoustiques qui émeut. L’avenir dira si la chanson deviendra un aussi gros classique, mais laissez nous en douter.

Encore une fois, on se dit que ça pourrait arrêter ici. Il y a 2-3 chansons vraiment épouvantables, mais l’ensemble reste assez mémorable. Avait-on réellement besoin de Saviors et Fancy Sauce, Billie? Les deux chansons les plus oubliables de l’album le terminent et nous laissent sur un goût assez amer. La trilogie l’avait prouvé, Green Day a une légère tendance à privilégier la quantité à la qualité en ne sachant pas quoi couper et ça nuit à l’impact de leurs offrandes.

Bref, Saviors est probablement le meilleur disque de la formation depuis 21st Century Breakdown. Cela dit, on reste malheureusement sur notre faim.

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