Critiques

Gord Downie

Secret Path

  • Arts & Crafts
  • 2016
  • 41 minutes

Gord DownieCeux qui ont vu la dernière prestation en carrière des Tragically Hip ont été totalement bouleversés par la performance courageuse et prenante de son meneur, Gord Downie. L’été dernier, on apprenait que le chanteur et sublime parolier était atteint d’un cancer du cerveau. Incurable. Triste, mais très triste histoire. Avant de quitter notre monde si superficiel, Gord Downie, en plus de symboliser le courage avec un «C» majuscule, s’affaire à laisser une empreinte indélébile dans l’histoire de la musique canadienne.

En plus de la parution de l’ultime album des Hip, le fort solide Man Machine Poem, Gord Downie proposait la semaine dernière, Secret Path. Puisque l’homme est un monolithe de respect, ce disque ne porte pas sur lui, sur ses souffrances ou sa maladie. Zéro ego. Cette création raconte plutôt l’histoire vraie et honteuse de Charlie Wenjack (dont le vrai prénom est Chanie); ce jeune Amérindien enlevé à sa famille légalement par le gouvernement canadien pour être «parqué» sauvagement dans un orphelinat situé à 600 km de la résidence familiale.

Le jeune garçon, éloigné de son clan, s’est enfui naïvement de l’établissement dans l’espoir de retrouver sa famille. Sans savoir qu’il était à des centaines de kilomètres de chez lui, il s’est mis à marcher, à marcher et à marcher… et on l’a retrouvé raide mort près d’un chemin de fer. Édifiant, n’est-ce pas?

Dans les notes de presse accompagnant l’album, voilà ce que Gord Downie avait à dire sur l’intention «socioartistique» qui se cache derrière la création de cet album: «Chanie haunts me. His story is Canada’s story. This is about Canada. We are not the country we thought we were. History will be re-written. We are all accountable, but this begins in the late 1800s and goes to 1996. “White” Canada knew – on somebody’s purpose – nothing about this. We weren’t taught it in school; it was hardly ever mentioned».

La gestation de Secret Path remonte à 2013. Réalisée à deux têtes par Dave Hamelin (The Stills) et Kevin Drew (Broken Social Scene), cette sitedemo.cauction a aussi vécu sur scène grâce à l’apport visuel de Jeff Lemire, l’autre moitié du projet. Downie est donc remonté sur scène récemment, physiquement très affaibli, mais bien en voix, semble-t-il, pour présenter la version concert de ce disque: un spectacle mémorable, donnée à la salle Southam du Centre National des Arts d’Ottawa. Et le film tiré de ce travail commun a été présenté sur les ondes de la CBC le week-end dernier.

Ce testament ultime du poète chanteur est une réussite sur toute la ligne. Secret Path s’éloigne du rock classique des Hip afin de faire place à un folk rock frémissant incorporant quelques sonorités électroniques. La voix de Downie, si distinctive et plus posée que chez Tragically Hip, remplit parfaitement le spectre sonore, et ce, avec une authentique émotion. À l’écoute de la pièce titre, la pianistique Secret Path, impossible de ne pas avoir les yeux mouillés tant l’interprétation de Downie est d’une véracité inébranlable.

Et ce disque regorge de bonnes chansons aussi prenantes les unes que les autres. Associées à la mort prochaine et combinées à cette triste histoire magnifiquement racontée, les chansons de ce disque vous pousseront dans vos derniers retranchements. En plus de la pièce titre, les I Will Not Be Struck, Don’t Let This Touch You, l’anxieuse Haunt Them Haunt Them Haunt Them et l’acoustique The Only Place To Be viendront vous émouvoir jusqu’à la moelle.

Sur cette pauvre terre, il y a des hommes et des HOMMES. Gord Downie fait partie de la deuxième catégorie. Au-delà de la musique, des mots, de l’art, ce gars-là se sera tenu debout bien droit jusqu’à la fin. Superbe album.

Je n’ai plus de mots assez forts pour exprimer toute ma gratitude et tout le respect que j’ai pour ce grand monsieur…

Ma note:

(aucune note ne sera attribuée à ce disque pour toutes les raisons invoquées précédemment dans le texte)

Gord Downie
Secret Path
Arts & Crafts
41 minutes

http://www.gorddownie.com/