Critiques

Gilla Band

Most Normal

  • Rough Trade
  • 2022
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

En novembre 2021, la formation de noise rock modifiait son appellation pour devenir Gilla Band. L’objectif était de rompre avec les possibles rôles malheureux que le groupe aurait pu jouer dans la prolifération d’une culture non inclusive. On rappelle que le quatuor se nommait Girl Band.

Deux ans auparavant, Gilla Band nous proposait l’un des meilleurs crus de 2019 avec The Talkies; une création aux accents industriels, presque dansante, qui avait franchement épaté l’auteur de ces lignes. La sortie de cet excellent album relatait de façon énigmatique les problèmes de santé mentale vécus par le vocaliste de la formation Dara Kiely.

L’un des fleurons du rock irlandais est donc de retour avec une autre plongée en territoire malsain : Most Normal. Réalisé par le groupe lui-même, enregistré et mixé par le bassiste Daniel Fox, ce troisième opus en carrière est, aux dires de Gilla Band, un « spectre kaléidoscopique de bruits mis au service de chansons brisées, de montagnes russes avant-punk, truffées d’effets spéciaux et de moments nihilistes dansants ».

Évidemment, la pause forcée par l’avènement de la pandémie de COVID-19 a permis au groupe de peaufiner et de triturer ses morceaux comme bon lui semble. Or, la conception de ce Most Normal a également constitué, pour Kiely, un motif valable pour effectuer quelques changements notables dans sa conception de l’existence. Acceptant pleinement sa fragilité psychologique et sa préférence pour un relatif anonymat, les textes de ce nouveau long format sont somme toute relativement apaisés.

Dans The Weird, Kiely affirme sa propension à vivre en retrait du monde extérieur :

Now flowering from a life bulb shark

Said blind luck is my look

I’m happy in the dark

– The Weird

Musicalement, Most Normal est la production la plus haletante et éclectique de la carrière de Gilla Band. The Gum affiche ses couleurs sinistres dès le départ. Bourré de retours de sons stridents, de cassures sonores et d’effets de studios, ce morceau totalement éclaté et « à côté de la plaque » est un condensé de ce qui est infligé à l’auditeur tout au long de l’album.

Eight Fivers aurait pu paraître sur The Talkies tant les ascendants industriels sont omniprésents. Binliner Fashion et I Was Away sont d’une violence sonore inégalée. Capgras propose un punk hardcore en fond sonore avec la voix de Kiely fortement à l’avant-plan qui déclame son texte de manière détachée, sans aucune émotion. La conclusive Post Ryan évoque à la fois le bourdonnement d’un rasoir et l’atterrissage d’un OVNI… et Kiely qui affirme laconiquement ceci : « I’m in between breakdowns constantly ».

L’auteur de ces lignes aurait souhaité une direction musicale plus cohérente. Or, Most Normal est magnifiquement provocateur et de manière intentionnelle de surcroît. Et c’est sans compter sur ces nouvelles formes de bruits qui pointent à l’horizon. Même des lueurs de beauté se révèlent subtilement dans Almost Soon; une chanson post-punk curieusement mélodique.

Humble conseil. Pour bien apprécier les dérapages sonores de Gilla Band, on vous suggère fortement de prêter l’oreille à ce disque dans vos écouteurs. L’expérience en sera grandement bonifiée. Surtout, vous devrez accorder de nombreuses auditions à cet album pour l’apprécier à son plein potentiel.

Tout compte fait, ce nouveau chapitre dans la trajectoire de Gilla Band est polarisant, car il rebutera assurément certains mélomanes. Mais c’est aussi une exploration majestueuse et réussie des infinies possibilités du bruit.

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