Critiques

Dope Body

Lifer

  • Drag City
  • 2014
  • 44 minutes
7,5

large_DC595Ce n’est pas simplement par paresse journalistique que le quatuor de Baltimore, Dope Body, se fait décrire comme un des représentants du «nouveau grunge». L’idée de départ du grunge était d’accepter le plaisir que procurent les musiques qu’on sait ridicules. On préservait ce plaisir en tentant de le réinterpréter avec un minimum de bon goût, et le résultat était parfois de la saprée bonne musique. C’est exactement ce que fait Dope Body, mais au lieu de s’inspirer de Black Sabbath, d’Aerosmith et de Kiss comme le grunge original, Dope Body va puiser au punk-funk et au rock alternatif tel qu’on l’entendait dans les années 90. Pour les lecteurs québécois d’un certain âge, on pensera à divers groupes dont les vidéoclips jouaient à Rage et à Solidrock.

Avec son troisième album, Lifer, Dope Body élargit l’éventail de musiques agréables et idiotes auxquelles il va puiser. Le groupe utilise encore ses influences habituelles, et y ajoute des riffs et des arrangements qui rappellent tantôt les Stones, tantôt le vieux métal et le proto-thrash. Cela dit, même si les similarités à d’autres groupes sautent aux oreilles ici et là, Dope Body arrive à imposer sa personnalité avec un sens du plaisir déchaîné manifeste dans chacune des chansons de Lifer. On a affaire ici à un groupe qui travaille avec une palette de couleurs qui a quelque chose de commun, voire de ringard, mais il s’en sert pour peindre un tableau tout de même unique et captivant.

L’album démarre en force avec le groove d’hommes des cavernes de Repo Man et la dégaine malpropre de Hired Gun, deux pièces très réussies, mais c’est en deuxième moitié que Lifer démontre le mieux que les moments brillants de l’album Natural History n’étaient pas un accident. Ces quatre crasseux de Baltimore trouvent plusieurs façons de maintenir l’intérêt de l’auditeur, sans se répéter et sans être prévisibles. On ne traverse pas un creux de vague pendant les trois chansons Rare Air, Day By Day et Toy. Nul doute, ce passage de Lifer est le sommet musical jusqu’à maintenant dans la courte histoire du groupe.

Les trois instrumentistes de Dope Body sont en parfaite symbiose, et le guitariste Zachary Utz est particulièrement en forme. Sa façon de jouer reste simple en apparence, mais varie grandement d’une chanson à l’autre. Il mérite amplement d’être considéré comme un héros contemporain de la guitare (aux côtés d’Evan Patterson, à mon humble avis). Le chanteur Andrew Laumann a un peu de mal à rester à la hauteur créative de ses comparses, mais son énergie sur scène compense amplement, même si elle ne se traduit pas toujours sur disque.

En bref, Dope Body ne fait rien pour tout à fait nous convaincre que le rock n’est pas à court d’idées, mais démontre sans l’ombre d’un doute qu’il y a encore moyen de s’y faire beaucoup de fun quand il est joué avec la fougue qu’il faut.

Ma note: 7,5/10

Dope Body
Lifer
Drag City
44 minutes

www.dragcity.com/artists/dope-body

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