Critiques

infinite granite

Deafheaven

Infinite Granite

  • Sargent House
  • 2021
  • 54 minutes
7

Quand Deafheaven a présenté le premier extrait de son nouvel album, l’auteur de ces lignes surveillait attentivement la polarisation des avis sur ces charmants déversoirs que sont les réseaux sociaux. De manière prévisible, les teignes s’en sont donné à cœur joie, cassant du sucre sur ce morceau purement shoegaze/dream pop, délaissant ainsi les sonorités issues du black métal qui conféraient une originalité certaine à la formation. Certains adulateurs ont bien sûr défendu bec et ongles cette pièce. La rengaine habituelle, quoi !

Avec Justin Meldal-Johnsen (M83, Wolf Alice) aux manettes, les « blackgazers » sont de retour avec Infinite Granite. Ce cinquième album studio de Deafheaven confirme parfaitement le changement de cap entendu dans Great Mass of Color. De riches textures de guitares et des synthétiseurs aériens se côtoient. Le meneur, George Clarke, emprunte par moments une voix de fausset l’enrichissant parfois de chuchotements et les harmonies vocales célestes sont légion. Exit le black métal et les grognements associés au genre, Deafheaven se transforme en un groupe de shoegaze.

Même si certains casse-pieds souhaitaient le pire des échecs à Deafheaven, le groupe n’a pas sombré dans une mièvrerie indigeste et une artificialité caractérisant un nombre incalculable de longs formats dits « pop-rock ». Pendant une décennie, les Californiens se sont affairés à construire des ponts avec les mélomanes réfractaires au dégraissage d’oreilles administré par le monde du métal. Avec Infinite Granite, la formation accueillera de nouveaux adeptes sans nécessairement s’aliéner les fans de Sunbather (2013), New Bermuda (2015) et Ordinary Corrupt Love (2018).

Oscillant entre une sérénité que l’on pourrait qualifier « d’aérienne » et une intensité déterminée par de puissantes déflagrations de guitares (Great Mass of Color, The Gnashing et Mombasa), Deafheaven réinvente sa propre roue sans se dénaturer. Un jeu d’équilibriste qui aurait pu s’avérer désastreux, mais qui, somme toute, tient solidement la route. Deafheaven mise sur l’efficacité chansonnière plutôt que sur l’originalité. Un choix discutable pour certains. Mais ce serait faire preuve d‘une profonde mauvaise foi que d’affirmer qu’Infnite Granite est un navet.

On peut reprocher certaines textures de guitares « Nintendo » qui remémorent parfois l’approche de The Edge dans les premiers albums de U2 (In Blur). On peut aussi renâcler en écoutant attentivement l’approche vocale « tout aussi douce que du vrai coton » de George Clarke. Or, ultimement, ces chansons sont satisfaisantes.

On salue les mélodies ensoleillées dans In Blur. Même si Lament for Wasps et Villain reprennent le motif proposé sur l’introductive Shellstar, le pillage de la recette « loud quiet loud », si chère au rock alternatif des années 90, fonctionne drôlement bien. Et la conclusive Mombasa réunit tout ce que peut faire Deafheaven, mais en mode « dérapage contrôlé ». Clarke replonge même dans ses aboiements coutumiers, faisant ainsi un clin d’œil aux fans de la première heure.

Infinite Granite est un périple stellaire magnifié par les guitares et les synthétiseurs immatériels. La réalisation cristalline de Justin Meldal-Johnsen contribue énormément à cette splendeur sonore et… au grand dam des détracteurs de Deafheaven, le désastre anticipé n’aura pas lieu.

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