Critiques

Dave

Psychodrama

  • Neighbourhood Records
  • 2019
  • 51 minutes
7,5

« I used to hear voices when I was praying.

But nowadays, I don’t even wanna be saved

Nah, fuck that, I don’t wanna be saved

I was born to be wild, I don’t want to be tamed. »

– Psycho

Les critiques de l’archipel britannique viennent de couronner un nouvel héritier de la musique alternative, le rappeur Dave. Son premier long jeu, Psychodrama, est un album thématique dense. S’adressant sporadiquement à un thérapeute tout au long de l’album, préparez-vous à une véritable plongée dans la psyché d’un jeune artiste affrontant les diverses formes de la dépression.

Avec la prémisse d’une «œuvre-thérapie », Dave s’offre un contexte à l’efficacité éprouvée pour aborder une variété impressionnante de thèmes communs du rap (violence, pauvreté, père absent, sexualité objectivée). Le Britannique adresse directement ses blessures personnelles et les injustices qui marquent son quotidien. Avec la distance économique, géographique et sociale de ma propre condition, certaines de ses lignes m’ont semblé parfois moralisatrices, mais jamais plaquées. Impossible d’écouter Psychodrama et de douter que Dave ne croit pas toutes les syllabes qu’il délivre.

Qu’elles soient autobiographiques ou non, le rappeur raconte ses histoires avec l’énergie de quelqu’un qui ne tient rien pour acquis, bien qu’il n’a rien à perdre. Certaines de ses lignes marquent au fer rouge les neurones. Cela faisait longtemps que j’avais entendu un projet si posé, concis, qui m’a séduit si rapidement. Chaque pièce devient un tableau avec une multitude de détails excessivement précis. Tous ces récits reposent essentiellement sur la voix du protagoniste qui prime sur tous les autres instruments. Sans artifices marquants, les pièces se rapprochent énormément du slam par moment (Black, Screwface Capital, Lesley). Définitivement, une force du projet, ce dénuement vocal pratiquement inexpressif devient presque endormant. L’énergie chaotique du Grime (Streatham) peut se faire sentir, bouillonnant sous la surface de ses rimes, sans que l’agression ouverte s’exprime pleinement. Des émotions fortes en sourdine.

Il détend un peu l’atmosphère au milieu de son parcours thérapeutique en pour décrire les inflexions amoureuses. Évidemment le ton reste torturé, mais il est dilué par des sonorités R’n’B dans la tradition des succès des années 90 (Purple Heart). Il pond même un brûlot à saveur caribéen (Location) parfait pour les radios, notamment grâce au refrain énergique délivré par Burna Boy.

« The blacker the berry, the sweeter the juice

A kid die, blacker the killer the sweeter the news. »

– Black

Pour ceux qui croient que le rap n’est qu’un genre fait pour l’insouciance des excès, Dave emprunte une voie complètement contraire. Par exemple l’épique, et un peu larmoyante, Lesley aurait le potentiel de devenir le Stan des années 2010. Il tombe cependant peut-être dans le piège d’être un artiste « profond » dont le désarroi tranquille devient redondant. Mélodramatiques , les histoires de Psychodrama nous donnent le goût de hurler alors que le MC s’exprime avec une monotonie contrôlée. La douleur prend une variété de tons et de styles troublants, alors, pourquoi ne pas se laisser submerger ? Par exemple, les Open Mike Eagle, Eman X Vlooper ou Slowthaï, ne sacrifient pas un contenu dense pour une stylistique rigide.                                

Même si Psychodrama se veut une longue séance de thérapie, Dave semble s’adresser à lui-même sur ce premier album. Il s’enfonce dans un non-lieu asphyxiant et aseptisé. Martelant les parois de sa tête, et par ricochet la nôtre, d’une prosodie rêche, mais aspirante à une forme d’empathie dirigée vers soi et l’autre.

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