Critiques

dany nicolas pochette

Dany Nicolas

Rockstar Municipale

  • Indépendant
  • 2021
  • 31 minutes
7,5

Originaire de Tadoussac, l’auteur-compositeur-interprète Dany Nicolas trimballe depuis plusieurs années son baluchon entre Montréal, la Côte-Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, l’Europe et l’Asie. Observateur perspicace de sa propre vie, sans verser dans le militantisme assommant ou la moralisation bêtifiante, Nicolas est influencé par la chanson française traditionaliste (celle de Brassens, entre autres) et l’œuvre de Fred Fortin et Richard Desjardins. La québécitude est bien sûr profondément ancrée dans les chansons de l’artiste, mais cette spécificité culturelle demeure émouvante et rassembleuse.

La semaine dernière, Dany Nicolas lançait son premier long format : Rockstar Municipale. Enregistré en janvier dernier à Saint-Élie-de-Caxton sous la férule du multi-instrumentiste Tonio Morin-Vargas (Canailles, Mon Doux Saigneur, Bon Enfant), ce premier jet est caractérisé par un folk lo-fi au service des remarquables textes de Nicolas. Ici, on a affaire à un auteur comme on n’en entend que trop rarement dans l’univers sonore québécois.

L’artiste a également eu l’ouverture d’esprit de soumettre sa prose à la sagacité du romancier Charles-Philippe Laperrière, un proche de Morin-Vargas, afin de les polir. De plus, depuis quelques années, Nicolas collabore de près avec Rémo Gary, un auteur-compositeur français qui a prêté son habile plume aux pièces Mon bobéchon et Il pleut toujours.

Les voix et les instruments ont été enregistrés en une seule prise, sans aucune modification au mixage, conférant une réelle authenticité aux chansons de l’artiste. Des choix artistiques étonnants viennent pimenter cette production qui aurait pu verser dans une certaine fadeur, étant donné le minimalisme de la proposition. Une courte et inventive introduction (Le mix est à point), un poème récité a capella (C’est rien) et une conclusion étrange (El channel), gracieuseté de Morin-Vargas, viennent enrichir l’écoute. Fait à noter, Fred Fortin joue de la basse sur La vie des autres et Martin Lizotte officie au piano dans Terre noire.

Mais ce qui distingue Nicolas de ses semblables, c’est son indéniable justesse poétique qui lui permet d’exprimer en toute simplicité, par exemple, la complexité pour chacun d’entre nous de modifier son modus operandi psychologique, surtout en situation de crise :

À quand Noël bleu

L’Halloween rouge

Comment changer un peu

Si rien ne bouge ?

– Le roi des débiles

Dans La vie des autres, l’auteur pourfend avec subtilité toutes ces personnes souffrantes, envieuses du bonheur des autres qui, au fil des années, se consument dans le ressentiment et le repli sur soi :

J’haïs la vie des autres

Quand a’ l’air trop belle

Ça donne envie de casser des côtes

De couper des ailes

Quand tu me cries tout haut

Calme tes nerfs décembre

T’es t’allé d’jà haut

Tu peux descendre

– La vie des autres

Même si les ascendants mentionnés précédemment dans le texte sont manifestes, le jeune quarantenaire est un parolier unique qui nous offre « du cru, du vrai, du vivant » comme le notait si habilement notre collègue Éloïse Léveillé-Chagnon dans l’excellente entrevue que lui a accordé l’artiste dans nos pages.

Dany Nicolas s’inspire des grands de la chanson québécoise (Desjardins, Fortin, Francoeur, Charlebois et compagnie) en prenant bien soin d’insuffler à son art une forte dose d’authenticité. Voilà un artiste dont la trajectoire sera intéressante à suivre au cours des prochaines années.