Critiques

Half Japanese

Crazy Hearts

  • Fire Records
  • 2020
  • 36 minutes
7

Depuis quatre décennies, le groupe culte américain Half Japanese fait du rock lo-fi par et pour weirdos. La formation tourne toujours autour de Jad Fair, aussi connu pour ses collaborations avec presque tout le bottin de l’union des artistes indie que je viens d’inventer, de R. Stevie Moore à Richard Hell en passant par J. Mascis. Sans rien révolutionner, Half Japanese ramène sa bonne sauce indie mélodique au charme naïf et à l’esprit punk sur ce nouvel (et dix-neuvième!) album Crazy Hearts : une bonne petite galette qui donne brièvement l’impression d’être transporté en 1991.

Sur Crazy Hearts, Half Japanese ne surprend pas etoffre comme à son habitude de jolies et courtes chansons simplistes : une voix mi-chantée, mi-parlée au ton aussi baveux qu’enfantin et des aventures rocambolesques de science-fiction. Le groupe a toujours eu une passion pour les monstres et mondes imaginaires et il ne fait pas exception ici. La première chanson Beatmaster raconte l’histoire décalée d’un personnage fantastique élevé par les singes, les serpents, les oiseaux… sur un rythme nerveux et des cris cosmiques. Un mélange excentrique bien divertissant. 

Pour sa part, Dark World traite d’un monde diabolique par des phrases drôlement répétitives comme une introduction qui n’aboutit jamais et qui laisse en attente. Cette poésie un tantinet moqueuse démontre l’esprit punk du groupe, mais surtout son amour du non-sens et son aversion pour la virtuosité prétentieuse et les paroles trop sérieuses et profondes. Ce style parfaitement insolent se constate notamment sur And It Is… qui ne dit jamais grand-chose :

« I know it’s right, it has to be 
And I know it’s true, as true can be 
I know it’s right for you and me 
For you, for me, for us »

– And It Is

Alors que le premier extrait Wondrous Wonder radote aussi avec humour sur une musique motivante, sans se différencier plus qu’il ne le faut, c’est le deuxième et excellent simple Undisputed Champions qui impressionne particulièrement par sa mélodie accrocheuse dansante et son clavier amusant bien placé. Heureusement, Jad Fair sait aussi utiliser sa sensibilité et son authenticité pour créer de belles chansons indie lo-fi qui réchauffent le cœur. Une formule retrouvée notamment sur As Best You Can et Crazy Hearts, deux douces chansons atmosphériques qui font sentir léger comme l’amour. 

Parmi les meilleurs moments, l’excellente A Phantom Menace se démarque par sa lourde basse menaçante, sa voix aiguë agonisante en arrière-plan et ses histoires de fantômes, alors que la lente et délicieuse Late At Night enveloppe et inquiète par sa basse sinistre et sa guitare criarde. Sur cette dernière, Jad Fair accepte la présence nouvelle de zombies sur la planète avec une apathie qui rappelle encore les années 90 :

« And that is that, that is that, that is that 
A fact is a fact 
Zombies walk the earth 
They’re here »

– Late At Night

Half Japanese explore librement, sans se soucier de qui ou de quoi que ce soit. Cela donne des bizarreries intéressantes, créatives et loufoques, mais aussi des moments redondants qui ne retiennent pas particulièrement l’attention. 

Une bonne et une mauvaise nouvelle. Crazy Hearts n’est aucunement remarquable et certaines chansons peuvent finir par ennuyer malgré leur charme excentrique et la courte durée de l’album. Mais celui-ci atteint bien son modeste but : un agréable disque facile à écouter, pas trop demandant, aux racines lo-fi conservées bien intactes et qui sonne exactement comme du Half Japanese. Ce qui est un résultat prudent pour ne pas décevoir les fans. Et comme le groupe n’a jamais eu de grandes prétentions, c’est mission accomplie. 

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