Courtney Barnett
Things Take Time, Take Time
- Mom + Pop Music
- 2021
- 35 minutes
C’est avec The Double EP : A Sea of Split Seas (2014) — notamment avec le simple Avant Gardener — que l’Australienne Courtney Barnett a conquis le coeur des amateurs de rock. En 2015, elle lançait Sometimes I Sit and Think, Sometimes I Just Sit; un disque qui, par moments, empruntait à l’esthétique pop-grunge de Nirvana. Ces deux premières offrandes se concentraient principalement sur la petite méchanceté (parfois grande) dont nous, pauvres humains, sommes tous capables, avec nos proches en particulier.
Après l’excellente parenthèse présentée avec Kurt Vile, et intitulée Lotta Sea Lice (2017), Barnett atteignait son apogée créatif avec la parution de Tell Me How You Really Feel (2018). Tous ces longs formats, à part celui conçu avec Vile, ont été enregistrés en trio avec ses accompagnateurs de feu, Dave Mudie (batterie) et Bones Sloane (basse). Cette fois-ci, l’autrice-compositrice-interprète âgée de 33 ans s’est tournée vers une nouvelle formule.
L’incertitude causée par la pandémie nous a fait oublier que l’existence est également remplie de beaux moments de lucidité et, si on y prête pleinement attention, c’est la quotidienneté qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Avec Things Take Time, Take Time, Barnett nous invite à nous concentrer sur ces instants journaliers à peine perceptibles.
Ce constat s’appuie sur un cycle difficile traversé par l’artiste. En 2019, Barnett est au bord de l’épuisement suite à la tournée faisant la promotion de Tell Me How You Really Feel. L’année suivante, elle amorce une tournée australienne en mode esseulé afin de se recentrer. En mars 2020, pour les raisons que l’on connaît, elle rentre chez elle à Melbourne. En plus de prendre le temps d’écouter beaucoup de musique, elle réfléchit alors au sens viscéral de son existence. Dans Turning Green, elle extériorise avec simplicité le regain d’espoir après une période difficile :
The trees are turning green
And this springtime is lethargy
Is kinda forcing you to see
Flowers in the weed
– Turning Green
Dans cet appartement loué à un ami, Barnett gratte la guitare avec insouciance, tout en prenant conscience qu’il y a un je-ne-sais-quoi de profondément senti dans ces ébauches de chansons. Elle fait alors appel à Stella Mozgawa, batteuse de la formation Warpaint, pour finaliser et réaliser ces esquisses. L’alliée de Barnett ajoute à ces chansons élémentaires du Wurlitzer, une boîte à rythmes et d’autres suppléments sonores. Things Take Time, Take Time est le résultat de cette démarche volontairement épurée et par le fait même moins rock.
Même si ce nouvel album montre la vraie nature de Barnett — essence souvent camouflée par une ironie débordante d’humour caustique — la trop grande sobriété de ces compositions laisse transparaître une certaine redondance chansonnière. Le changement de trajectoire n’est pas assez tranché pour qu’on puisse empêcher notre esprit de s’évader dans un ailleurs plus captivant. Les atmosphères sont indolentes accentuant la nonchalance habituelle de Barnett. Sans l’énergie rock, les chansons de l’Australienne tombent quelque peu à plat.
Parmi les pièces les mieux foutues ? Rae Street est du Barnett pur jus. L’extrait Before You Gotta Go est efficace. Les guitares dans If I Don’t Hear from You Tonight remémorent à la fois le Velvet Underground et R.E.M. La pianistique Oh the Night conclut bien cet album. Malgré tout, l’ensemble des chansons présentées souffre d’un manque de mordant généralisé.
Même si la personnalité de Courtney Barnett est attachante et même si ses admirateurs sauront apprécier cette nouvelle offrande, ce Things Take Time, Take Time est l’album le moins intéressant de la discographie de l’Australienne.