Critiques

Courtney Barnett

Tell Me How You Really Feel

  • Mom + Pop Music
  • 2018
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

En 2014, quand The Double EP : A Sea of Split Seas a fait son apparition dans les bacs, le charme nonchalant de Courtney Barnett m’a tout de suite plu. Et le succès ne s’est pas fait attendre avec la parution de sa première véritable production : Sometimes I Sit and Think, and Sometimes I Just Sit (2015); album que j’ai apprécié, mais qui s’éloignait du penchant psychédélique de son « double EP ». Cependant, quand la musicienne a uni ses forces avec cet autre « slacker » de prédilection qu’est Kurt Vile, le charme a opéré naturellement. Lotta Sea Lice fut l’une des bonnes parutions de 2017, pas de doute là-dessus.

Et voilà qu’est lancé le très attendu Tell Me How You Really Feel. Très attendu, car le rayonnement de Courtney Barnett a pris de l’expansion depuis le lancement de son premier disque. Compte tenu de son étonnant succès, la dame aurait pu s’engouffrer dans un studio luxueux et faire appel à une panoplie de réalisateurs de renom pour peaufiner son album, mais c’est mal connaître cette humble artiste.

Avec l’aide de son groupe de tournée et bonifiée par l’apport de Dan Luscombe (guitariste des excellents The Drones), elle a donc choisi de demeurer en Australie, dans un petit studio d’enregistrement situé près de chez elle, pour colliger ses nouvelles chansons. Par ailleurs, la récente trentenaire s’est adjoint les services de Kim et Kelly Deal des Breeders qui participent à deux chansons : Nameless, Faceless et Crippling Self-Doubt and a General Lack of Confidence. Ça en dit assez long sur le respect que plusieurs créateurs lui vouent.

Alors, ça dit quoi ce nouveau disque ? De prime abord, les amateurs de réinvention musicale snobinarde vont mépriser cette galette au plus haut point, car l’Australienne carbure essentiellement à l’authenticité et à l’intégrité. Cette fille se fout si elle plaît ou pas. Elle écrit et compose des chansons qui la contentent et dans un style pas compliqué qui la satisfait tout autant… et ça marche à fond.

Là où plusieurs versent dans le racolage, la mièvrerie et l’inutilité, Courtney Barnett nous entretient sur sa vie personnelle avec sa voix laconique, un enrobage sonore simple, mais efficace et des textes doucement sarcastiques. Tell Me How You Really Feel est un album senti et vrai (comme il s’en fait de moins en moins), mettant de l’avant la vulnérabilité de cette sympathique jeune femme, altérabilité se camouflant admirablement bien dans l’autodérision et l’ironie.

Musicalement, vous serez plongés dans un univers pop-rock maintes fois ratissé : Nirvana, Liz Phair, Chrissie Hynde, Neil Young & Crazy Horse, Lydia Loveless, Pavement, etc. Vous serez blottis dans de grosses pantoufles confortables, mais pour que cesdites pantoufles réconfortent vraiment, ça prend de bonnes chansons. Courtney Barnett en connaît un bon petit bout à ce sujet. Hopefulessness possède un charme psychédélique indéniable. Charity est une grande chanson pop-rock que n’aurait pas renié un groupe comme The Pretenders. Le brûlot féministe I’m Not Your Mother, I’m Not Your Bitch rentre au poste et le folk rock Walking on Eggshells est franchement émouvant.

Et pourquoi l’Australienne charme-t-elle autant ? Parce que dans un monde qui impose le sourire « Colgate » en toutes circonstances, qui a accepté que la sincérité soit devenue un concept marketing et qui carbure exclusivement à l’hyperactivité et à la productivité, Courtney Barnett est une sympathique bébitte, parfaitement et sincèrement mal dans sa peau, comme la vaste majorité d’entre nous…