CocoRosie
Put the Shine On
- Marathon Artists
- 2020
- 54 minutes
Depuis ses débuts en 2004, le duo CocoRosie n’a jamais craint de bousculer nos certitudes. D’abord associées au courant « freak folk », les sœurs Bianca et Sierra Casady ont évolué vers une approche de plus en plus électronique, au croisement du hip-hop. Sur leur nouvelle offrande, Put the Shine On, elles proposent leur disque le plus pop et accessible, quitte à verser dans la surabondance d’effets.
Elle semble bien loin, en effet, l’époque de La maison de mon rêve (2004), porté par une esthétique lo-fi à l’extrême et donnant l’impression d’avoir été concocté à partir d’instruments trouvés dans une vente de garage et enregistré dans un garde-robe. Oui, c’est vrai, le précédent Heartache City (2015) semblait marquer un retour à une telle esthétique avec son utilisation de vieux jouets, mais de manière générale, la musique de CocoRosie n’a cessé de tendre vers une approche davantage axée sur le « beat » (appelons ça trip hop ou folktronica, ou n’importe quel autre terme).
Certes, l’éclectisme a toujours été l’apanage de CocoRosie, si bien qu’aucun univers musical ne semble entièrement hors de leur portée. On parle quand même d’un duo capable d’enregistrer des collaborations avec des artistes au profil aussi différent que Chance the Rapper et Anohni. À cet égard, Put the Shine On constitue un véritable cas d’espèce, avec des références qui vont du chant d’opéra au hip-hop, en passant par la pop-R&B un peu trop lisse et même le heavy metal (oui, vraiment!) C’est à la fois déconcertant et un peu confus. Au final, le fil conducteur dans cette septième offrande des sœurs Casady réside dans sa production, très précise et qui ne laisse à peu près rien au hasard, à l’opposé de l’esthétique un peu bordélique du duo.
Il y a de très bons moments sur Put the Shine On, et il faut saluer l’audace de CocoRosie de ne pas se complaire dans un style en particulier. L’album s’ouvre de manière grandiose avec l’aérienne High Road, portée par de magnifiques harmonies vocales (Sierra a une formation de chanteuse d’opéra et a étudié au Conservatoire de Paris), avec en filigrane des échantillonnages de cris d’oiseaux. Smash My Head est peut-être la plus mémorable d’entre toutes, elle qui combine des accords de guitare façon metal et des sonorités nerveuses qui semblent sorties du Age of Adz de Sufjan Stevens. Il y a aussi la superbe Aloha Friday, une véritable expression à Hawaï qui désigne le vendredi « décontracté » mais qui prend ici une tournure solennelle, avec des arrangements de cordes rappelant les beaux jours de Sigur Rós.
Mais il y a aussi des morceaux où le duo donne l’impression de vouloir en faire trop. Ainsi, Mercy combine une rythmique hip-hop, une ligne de guitare électrique et des cuivres dissonants pour un résultat en deça des attentes. La suivante Restless est construite sur le même moule, et verse dans une pop-R&B qui pourrait jouer à la radio commerciale (idéalement tôt le matin, puisqu’on y entend un échantillonnage d’un coq hurlant son fameux cocorico!) Sans être mauvaise (loin de là), Hell’s Gate semble surfer un peu sur la vague de pop sombre à la Billie Eilish.
Avec un album qui frôle les 55 minutes, on se dit que CocoRosie aurait sans doute pu affiner son produit davantage pour en arriver à quelque chose de plus cohérent sur le plan stylistique. Mais le duo ne s’est jamais gêné pour ratisser le plus large possible, et on voit mal pourquoi il commencerait à le faire maintenant. Put the Shine On reste néanmoins un album intéressant, aussi hétéroclite qu’imprévisible. Mais en lorgnant encore plus du côté de la musique électro savamment produite, les sœurs Casady ont perdu un peu de cette approche brouillonne qui faisait leur charme.