Critiques

Charles Bradley

Black Velvet

  • Daptone Records / Dunham Records
  • 2018
  • 38 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Il est très difficile d’écrire une critique en bonne et due forme de Black Velvet sans parler de l’homme derrière la musique, alors je serai brève, promis.

J’ai connu Charles Bradley en 2012, lors d’un visionnement du documentaire chez un ami , Charles Bradley : Soul Of America et je fus aussitôt submergé d’une immense affection pour cet artiste.

Une personne humble et transcendante marquée d’un remarquable parcours, il avait surmonté la pauvreté, la violence et d’inimaginables obstacles pour finalement remporter un grand succès et être acclamé internationalement très tard dans sa vie soit à l’âge de 61 ans. Ce qui était vraiment exceptionnel avec lui et le différenciait des autres était la manière dont il comprenait la douleur, se l’apprêtait, la transformait et la partageait comme un appel à l’amour universel et à l’humanité. Il n’était qu’amour. L’amour avec un grand A! Celui qui fait du bien à l’âme et celui qui déchire.

Fougueux et passionné, il eut l’opportunité de coucher sa vérité non pas sur un, mais sur trois albums studio : No Time for Dreaming (2011), Victim of Love (2013) et Changes (2016).

Lors de son dernier passage à Montréal en juillet 2017 dans le cadre du Festival de jazz, j’étais parmi les privilégiés au Métropolis. C’était mon deuxième spectacle de monsieur Bradley (le premier était au Théâtre Corona en 2013) et quelle prestation! En rémission d’un cancer diagnostiqué en 2016, il était sapé de ses plus beaux atours et était tout feu tout flamme sur la scène. Il se déhanchait tel un adolescent et offrait des fleurs et de nombreux mots de reconnaissance à tous ceux qui s’étaient déplacés pour lui… pendant que sournoisement la maladie le rongeait. S’étant propagé dans son foie, il succombe du cancer de l’estomac, le 23 septembre 2017 à l’âge de 68 ans, soit deux mois après ce concert et quelques jours suivants l’annonce de l’annulation de sa tournée mondiale, laissant plusieurs dévastés derrière lui et l’industrie de la musique soul en deuil.

Affectueusement intitulé, Black Velvet, tel le pseudonyme qu’il utilisait lorsqu’il interprétait des reprises de James Brown dans les clubs de Brooklyn durant les années 90, cet album posthume n’est pas une compilation de ses meilleurs succès, mais bien un collectif de raretés et d’inédits réalisés au cours des sessions d’enregistrements de ses précédents albums. Assemblé avec amour par ses amis et sa famille chez Dunham/Daptone Records dont son fidèle producteur et ami Thomas «TNT» Brenneck, Black Velvet est une bénédiction pour les oreilles et le cœur. On y retrouve, avec un gourmand plaisir, les hurlements, les cris, la passion, la justesse, la polyvalence et le génie de l’artiste. Qui d’autre pourrait passer aussi harmonieusement d’un hymne social à une fiévreuse chanson d’amour, d’un soul sincère au rock alarmant, ou d’un bon vieux funk à une ballade folk poignante?

Dans ce disque de 10 titres, où se côtoient le soul, le blues et le funk, Charles Bradley ne se fait pas prier et ouvre avec le saisissant Can’t Fight The Feeling.

 « It’s a troubled, troubled world
That we’re living in today, baby
We can’t let nothing in this world
Stand in our way »

 –  Can’t Fight The Feeling

Dignes et bouleversants, les musiciens sont réchauffés, les percussions sont solides, les cuivres sont parfaits et le plaisir de l’ouïe ce prolonge avec l’édifiant I Feel A Change et le langoureux Luv Jones en duo avec la charmante LaRose Jackson. Pour ceux qui l’ignorent, le terme Love Jones est de ressentir une forte envie ou un désir avide pour quelqu’un, et doux Jésus que nous le ressentons à l’écoute de cette chanson.

 « Passion, burning with desire
Come on, baby, feel my fire
Ignite your love and take me higher »

 –  Luv Jones

Chargé en émotion, de très belles pistes se succèdent : la touchante (I Hope You Find) The Good Life, son classique Victim of Love tiré de son deuxième album studio, mais en version plus électrique et la chanson titre Black Velvet, la seule trame instrumentale de l’album. Semblant tout droit sortie de la bande sonore d’un film de Blaxploitation, la mélodie de Black Velvet est lente et magnifiquement dirigée. D’une grande beauté, cette pièce qui devait apparaître sur le prochain album est dépourvue de chant pour la simple et douloureuse raison que la santé de Bradley s’étant dégénéré, il n’était jamais assez en forme pour en faire l’interprétation.

L’album est également constellé de trois solides reprises. Une brillante version de Heart of Gold de Neil Young métamorphosée en pop-soul, une révision électrisante d’I’Il Slip Away du compositeur-interprète Rodriguez et une méconnaissable, mais excellente et ardente interprétation de Stay Away du groupe Nirvana. Ces pistes illustrent à quel point les plus belles reprises ne sont pas nécessairement celles qui collent à l’originale, mais bien celles qui savent se démarquer et nous amener ailleurs.

J’ai AIMÉ D’AMOUR cet album. Il est non seulement à l’image de la beauté et de l’esprit de Charles Bradley, mais il représente également un ultime message d’amour à ces fans. Black Velvet est assurément destiné à atteindre le même succès que ses précédents albums et saura sans aucun doute remettre sur la toile médiatique l’homme derrière la musique à la bonté sans frontière.

Merci pour ce dernier cadeau Monsieur Bradley.

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