Bill Ryder-Jones
West Kirby County Primary
- Domino Records
- 2015
- 41 minutes
Cet homme qui vient d’atteindre la jeune trentaine possède une expérience artistique et un vécu digne d’un vétéran. En 2008, Bill Ryder-Jones a quitté la respectée formation The Coral afin de faire cavalier seul. Comprimé entre de nombreuses attaques de panique et des fluctuations d’humeurs dérangeantes, le songwriter a dû se retirer quelquefois dans ses terres afin de retrouver ses esprits. Après l’instrumental If (2011) acclamé par la critique et un Bad Wind Blows In My Heart sur lequel on retrouvait le musicien en mode spleenétique «à la Bill Callahan», Ryder-Jones était de retour la semaine dernière avec un nouvel opus: West Kirby County Primary.
Enregistré en partie à la maison maternelle, plus précisément dans la chambre à coucher de son enfance, et le studio Parr St. Studios situé à Liverpool, Angleterre, Ryder-Jones alterne entre des chansons mélancoliques, dépouillées et confidentielles et des morceaux rock évoquant autant Pavement que les Pixies. En format intimiste, l’artiste nous chuchote ses confessions dans le creux de l’oreille comme s’il nous fredonnait ses chansons au beau milieu de la nuit. En format rock, la structure «loud quiet loud», inventée de toute pièce par la bande à Black Francis/Kim Deal, domine et Ryder-Jones emprunte alors des inflexions vocales au bon Stephen Malkmus.
Bon. Écrit comme ça, vous avez l’impression que ce West Kirby County Primary, est tout sauf ancré dans son époque, mais ce qui différencie le créateur des vieux briscards évoqués dans le texte, c’est la capacité de Ryder-Jones à sublimer sa grisaille personnelle et ses tourments psychologiques en quelque chose de beau et de pertinent. L’homme exprime son mal de vivre sans fard. Les moments rock empêchent l’album de sombrer dans une morosité malsaine. L’espoir s’entend malgré tout… et le contraire aurait été tout aussi recevable.
Au cœur de cette sitedemo.cauction, l’auteur fait des références à peine voilées à la maladie mentale qui l’assaille. En trois chansons, Ryder-Jones dresse un portrait troublant, mais somme toute rempli de lumière, des problèmes qui le tourmentent. Dans Put It Down Before You Break It, le parolier y va de cette touchante confidence: «I try to keep from sinking/The words all come out wrong/But the bitterness is gone». Superbe chanson intimiste. Daniel et particulièrement Let’s Get Away From Here (l’explosion volcanique en conclusion) sont du même acabit.
Avec une économie de moyen (et d’instruments), Bill Ryder-Jones nous invite à le suivre dans son monde méandreux/cafardeux tout en disséminant quelques fragments de réel optimisme tout au long de l’album. Parmi les autres réussites de cet album, j’ai apprécié le rock classique titré Catharine And Huskisson, la déflagrante Satellites, le simple très Pavement intitulé Two To Birkenhead ainsi que la conclusive et prenante Seabirds.
Bill Ryder-Jones est une sorte d’Elliott Smith britannique qui se sert de sa musique comme une catharsis… quitte à déplaire à une certaine caste de jovialistes marketés à l’os et adeptes de psychopop vide de sens qui n’a rien à voir avec la réalité. Donc, si vous êtes un indécrottable positiviste, fuyez ce disque à toute jambe! Par contre, si les hommes affligés par une détresse intérieure insondable (et qui luttent de toutes leurs forces afin d’avoir une vie satisfaisante) vous inspirent, vous serez bien servi par ce West Kirby County Primary. Désarmant.
Ma note: 7,5/10
Bill Ryder-Jones
West Kirby County Primary
Domino Recordings
41 minutes
http://www.dominorecordco.fr/artists/bill-ryder-jones-/
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